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                           ORGUEIL                         I49
    « Comme s'il eût deviné sa pensée, le vieux baron
ajouta :
    « — Va, sois discret, et ce soir je t'expliquerai la chose.
    « Suivant le vœu de mon seigneur, les chèvres furent
enfermées dans les étables du château et une demi-douzaine
de barques attendirent sur la berge, cachées dans les ro-
seaux, le bon plaisir du maître.
    « Quand vint le soir, M. du Fossat réunit dans la salle
d'armes la petite garnison ; le vétéran avait pris pour la
circonstance sa mine sévère et solennelle des veilles de ba-
taille; à tous ceux qui étaient là, il fit jurer que pas un ne
divulguerait le plan de campagne qu'il allait dévoiler ; puis,
s'étant assis sur un fauteuil élevé, il leur parla ainsi :
   « .— Demain soir, mes amis, est la veillée de Noël que
l'on passe en recueillement et en joie pour faire honneur au
Sauveur du monde ; or, nous ne saurions faire œuvre
meilleure qu'en chassant les Anglais, nos voisins, de la der-
nière forteresse qu'ils détiennent dans le pays. »
   « A ces mots, chacun ouvrit l'œil et ce fut dans la salle
un long murmure de satisfaction.
   « M. le baron reprit : « Hélas! vous le savez tous, nos
ennemis ont de l'artillerie, nous n'en avons pas ; ils sont
perchés sur une montagne, nous sommes en plaine; ils sont
entourés de remparts et, pour les approcher, il faut tra-
verser la rivière, grimper aux flancs d'un rocher à pic ou
attaquer au nord par un étroit défilé garni d'embuscades !
Donc, pour rendre la lutte égale, il est indispensable de
s'introduire par ruse dans la place. Après, quand nous n'y
serions qu'une poignée, notre courage et notre bon droit
feront le reste ; mais ils sont sur leurs gardes et les tromper
ne sera pas facile; donc voici ce que j'ai imaginé :
   « Demain matin, les trois quarts de ceux qui sont ici
partiront au jour pour la chasse, par petits groupes, et tra-