page suivante »
14e ORGUEIL vin du plateau, qu'ils payaient quelquefois, — quand ils y songeaient. Ils vivaient donc tranquillement dans leur nid de vautour, accessible seulement au midi, du côté du pla- teau, par un chemin étroit resserré entre les deux profonds ravins qui se changent en torrents aux premières pluies d'hiver. Ils regardaient couler le Lot au pied du donjon, entre eux et la plaine boisée, presque sûrs de n'être jamais attaqués de ce côté là . « Inutile autrefois contre les Northmans, le fort servait maintenant aux Anglais qui s'y prélassaient depuis tantôt trois cents ans. « Cependant le Ciel se lassait peu à peu de voir tant de parasites s'engraisser aux dépens de notre belle France ; les mécréants avaient eu beau faire brûler vive Jehanne la vail- lante Pucelle, cela n'arrêtait pas les représailles que Dieu dirige de là -haut. Leurs alliés les abandonnaient, les grandes villes étaient reprises ; à Formigny, la dernière armée an- glaise venait d'être détruite. « Je l'avoue à notre honte, ce furent les petites villes fortes du pays qu'ils gardèrent les dernières. La plus fidèle aux Anglais, Montcuq, venait d'être reprise à son tour, mais ils tenaient encore ici, sur la motte de terre où nous som- mes assis. « Or, en ce temps-là , sur la rive droite du fleuve, vivait un vieux baron qui s'était vaillamment battu contre les Anglais à l'époque de Jehanne, à la suite des braves Dunois, Lahire, Xaintrailles, tous noms que le peuple, qui n'est pas savant du reste, sait sur le bout du doigt. « Le vieux seigneur avait conservé son château du Fossat où il tenait vaillante garnison, et il lui restait encore un beau morceau de propriété aux entours. « Une chose cependant le chiffonnait et troublait sa vieillesse : ces maudits étrangers tuaient à sa barbe presque