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508                 L'AFFÛT DU LOUP BLANC.

naille avait renoncé au métier de professeur, faute d'élèves
   Pourtant l'animal étrange que nous avons présenté au lec-
teur était bien réellement un chien, mais le chien tel que le
comprenait Grenaille. A quelle race appartenait-il? Il avait
les pattes courtes du basset, les lèvres charnues du dogue,
le corps efflanqué du lévrier, la queue en trompette du ro-
quet, le poil hérissé du griffon, une oreille droite, l'autre
pendanle, un œil véron, le nez fendu et des ergots à chaque
pied. D'où sortait ce spécimen original du croisement de
toutes les espèces?... Un jour Grenaille l'avait vu sur ses
talons. Il l'avait rebuté d'abord. Mais Bricolo (ainsi l'avait-il
baptisé) Bricolo l'avait regardé d'un air si suppliant, avec de
petits gémissements si plaintifs, que Grenaille ému lui avait
donné un asile sous son grabat et une pension alimentaire de
quelques croûtes de pain chaque soir. Bricolo trouvait par
les rues du village de quoi suppléer a la modicité de son or-
dinaire, et ne se plaignait aucunement de la destinée. En
chasse, son travail habituel consistait à ne pas dépasser son
maître. Il n'arrêtait pas, il ne quêtait pas; mais si quelque
perdrix démontée ou quelque lièvre un peu éreinté filait
sous les broussailles, il empaumait la voie avec une sûreté
d'odorat et une persévérance presque toujours couronnées
 par le succès.
   Quant au fusil, c'était une vieille canardièrehsilex, très-
usée, très-rouillée, rattachée h la monture par des grenadières
en fer-blanc, ouvrage de Grenaille. La poignée, fendue, était
rajustée par une spirale de fil de laiton, et pour bretelle il y
 avait trois petites cordelettes et une lisière de drap effiloquée.
 Posséder un lusil à deux coups était toute l'ambition du
pauvre Grenaille. Hélas! depuis plus de dix ans qu'il écono-
 misait pour l'achat de cette arme glorieuse, il lui manquait
 encore quinze trancs.
   — Donc, qu'en dis-tu? fil maître Cornifiet après l'émou-