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                   L'AFFÛT DU LOUP BLAIVC.                 509

vant exposé de l'apparition qui avait fait sortir le père Copi-
nel de son silence chronique, toi qui cours les bois depuis
tantôt vingt-cinq ans, je devrais même dire trente, puisque,
avant d'avoir un fusil, tu tendais des lacets, au lieu de fré-
quenter ma classe (ce qui est cause que tu resteras un âne
toute ta vie), as-tu jamais rencontré le loup blanc?
    — Jamais, M. Corniflet, mais je voudrais bien le rencon-
trer dans un petit coin !
    — Malheureux! ne fais pas de ces souhaits-là !
    — Oh ! M. Corniflet, ce souhait n'est pas près d'être
 exaucé.
    — Eh mais ! on penserait que tu mets en doute l'existence
 du loup blanc?
    — Moi? pas le moins du monde ! Il y a des lièvres blancs
 et des merles aussi, — j'en ai tué, — mais je sais bien que
 si je tenais votre loup à soixante pas au bout de mon fusil,
 le loup ne serait pas blanc, allez !
     — Tu crois, fit Bertelin, et tous les anciens ! Us nous ont
 conté des contes ?
     — Bah ! les anciens auront visé quelque roche grise a
 travers les bruyères. La peur leur avait peut-être donné
 la berlue.
     •— A présent,voilà qu'il va soutenir que les anciens pre-
  naient les vessies pour des lanternes.
     — Père Bertelin, je connais un quelqu'un pas très-jeune
  qui a crevé les yeux a une pauvre bique pensant tirer un
  lièvre.
     La couche de bistre qui brunissait les joues ridées de Ber-
  telin se nuança de teintes rouges. Il avait en effet envoyé
  jidis deux charges de plomb a une chèvre couchée dans un
  fossé, et dont il n'avait aperçu que la tête et les longues
  oreilles, silhouette assez semblable a celle d'un lièvre.