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                       NICOLAS BERGASSE.                      107

 pour satisfaire ce penchant sophistique qui pousse la critique de
 notre temps à célébrer tant d'inconnus dignes de l'être, quand
 elle diffame chaque jour tant de héros véritables ? Non, Mes-
 sieurs. En fait de gloire, je ne sacrifie pas volontiers aux
 dieux ignorés, et j'aime mieux les statues que les statuettes.
 Je comprends autrement d'ailleurs l'honneur que vous me
 faites de m'écouler et la responsabilité qui me revient de
 parler devant vous. En ces jours que chacun de nous a le
droit d'appeler difficiles, celui auquel incombe pour une heure
 et à un titre quelconque le devoir de la parole publique, ne
 saurait se contenter d'intéresser ou d'émouvoir. Pour moi,
 à cette moitié de la vie où je suis parvenu, je ne comprends
 plus que les écrits qui sont des actes. N'ayez-vous pas senti
comme moi que celte vie généreuse est un exemple ? Elle se
ment, elle agit véritablement, elle a le souffle antique de
l'honneur et de la vertu. Au rebours de tant d'existences qui
ne valent que par le bruit rapide de leur passage au milieu
de nous, elle va, elle vaut par elle-même ; elle développe
pendant quatre-vingt-deux ans son inflexible ligne droite à
travers les contradictions et les retours des événements qui
nous ont successivement dominés. Son unité est tout entière
dans une idée, l'idée de 89. Celte date lumineuse pourrait
être placée sur chacun des actes de la longue carrière de
Bergasse. Sous l'ancien régime, où il eut à lutter pour le pro-
grès, il ne confondit jamais les principes dans la haine des
abus; sous le régime nouveau, où il eut à combattre pour
l'ordre, il ne confondit jamais les abus dans la défense des
principes. Il resta ferme dans sa foi a la liberté, malgré les
excès dont la souillure a rejailli sur cette chère idole ; il se
fortifia dans son dévouement au principe d'autorité, malgré
les fautes et la défaveur populaire qu'il ne parvint pas à lui
épargner. Il refusa de s'associer à l'audacieuse violation des
cahiers, et pensa, comme l'a si nettement écrit M. Thiers,