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104 dont elle , vive et alerte princesse , faisait peu de souci. Elle vou- lut toutefois se désaltérer pour calmer un peu l'échauffement de son s a n g , et demanda un verre d'eau : la damoiselle Magdclaine deRochester lui présenta un vase de cristal rempli ; à l'instant où la princesse l'approchait de ses lèvres , un tremblement lui p r i t , ses mains s'ouvrirent, le vase se brisa à ses pieds , et un éclat vola dans une de ses pantouffles. Impatiente et inattentive, elle se bles- sa légèrement; sa plaie, petite d'abord et insignifiante^ s'enflamma bientôt, et les médecins parlèrent de lui couper la jambe. Pour lui dérober l'instant de l'opération, ils lui firent prendre une dose d'opium trop forte pour elle -, car son sommeil fut éternel. Elle avait ordonné, par ses dispositions, que son corps fût enterré à l'église de Brou, et que son cœur fût remis aux Annonciades de Bruges , où Marie de Bourgogne , sa m è r e , avait été inhumée : ses volontés furent fidèlement exécutées. De magnifiques obsè- ques lui furent faites à Bourg. Le maréchal de Bourgogne , le comte de Lalais et l'archidiacre de Feuvernay y assistèrent comme députés de l'empereur Charles-Quint, et vinrent jeter à la tombe les titres et qualités-de la très-haute et puissante princesse : des sybilles, des saints, des m a r t y r s , des prophètes s e s , statues sans n o m b r e , drapées ou à vêtemens collans, toutes animées et à figures expressives , environnent le cercueil. Deux Génies placés aux pieds de la princesse méritent d'être remarqués : leur taille est svelte et arrondie ; il y a dans leur visage enfantin le gracieux et le moelleux des formes ; de jolies dents brillent dans leur bou- che entr'ouverte ; leurs yeux peignent la d o u l e u r , une douleur naïve comme les sentimens de leur jeune cœur; leurs prunelles sont d'un beau n o i r , soit qu'on ait su profiter des veines qui se trouvaient dans le marbre , soit qu'on ait employé une couleur qui l'ait pénétré. J'ai encore à vous faire connaître la chapelle de la princesse cl celle de la maison de Gorrevod ; car je ne vous parlerai point du maître-autel, construit par les ordres de Charles-Quint, puis réédifié il y a quelques années , mais dont le style ne me sem- ble point correspondre à celui de l'église. Vraiment je ne sais ic 1 comment remplir la tâche de cicérone que j'ai volontairement acceplée ; je ne pourrai que vous présenter une nomenclature