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RAPPORT SUR LES OUVRAGES 519 l'émancipation de la raison humaine. En même temps que des artistes, des poètes, des érudits, des mathématiciens, des physiciens du premier ordre, elle a produit Marsile Ficin, Pomponat, Bernardino Telesio, Giordano Bruno, Va- nini, Campanella. Dans cette esquisse rapide, l'auteur n'accorde quelques dé- veloppements qu'à Bruno et à Campanella, qui l'emportent sur tous les autres par la force et l'originalité, comme par les malheurs. Il s'efforce de défendre Bruno contre l'accusation d'athéisme. Comment ce grand mouvement philosophique s'arrête-t-il tout-à -coup au commencement du XVII e siècle? En excitant au plus haut point l'intolérance religieuse, le contre-coup de la Réforme fut fatal à la philosophie italienne. Mais si, à partir de cette époque, elle nous donne le triste spectacle d'une reine déchue, du moins la gloire lui demeure d'avoir initié la civilisation moderne, et elle peut se consoler, en regardant les grandes doctrines qui se sont développées ailleurs, comme les fruits d'un arbre qu'elle a planté. Tou- tefois si, au XVIIe et au XVIII e siècle, l'Italie est descendue du premier rang, c'est à tort qu'on s'imagine, dit M. Bertinaria, que notre champ philoso- phique n'a été qu'un désert. Car, entre l'un et l'autre siècle, elle a produit le père de la science de l'humanité, elle a produit Vico. Il ne nous montre pat seulement Vico comme le père de la philosophie, de l'histoire, mais comme le plus puissant adversaire de Descartes en Italie, et il entre, k ce sujet, dans quelques détails d'un haut intérêt, qui sont encore peu connus en France. Si Descartes a eu des adversaires en Italie,il y a eu aussi des partisans ; parmi eux est au premier rang Michel-Ange Fardella , sur lequel M. Bertinaria a puhlié ailleurs une intéressante notice. Mais, c'est l'empirisme, plutôt que l'idéalisme et le cartésianisme, qui a dominé en Italie, dans le XVII e et le XVIII e siècle. Cependant, M. Bertinaria loue l'Italie d'avoir toujours gardé son esprit propre sous l'influence des doc- trines étrangères de Gassendi, de Descartes, de Locke, de Leibnitz et de Con~ dillac, et de n'en avoir jamais accepté aucune, sans restriction et sans oppo- sition. Cet esprit propre de la philosophie italienne a, suivant lui, pour fonde- ment, l'élément platonique et l'élément chrétien, dont elle s'est toujours nourrie. Grâce à ces deux éléments, elle n'a jamais accepté l'empirisme qu'eu le tempérant, elle a toujours repoussé le sensualisme, quand il s'esl fait maté- rialisme, l'idéalisme, quand il a tourné au scepticisme ; et si, dans ces deux siècles; elle n'a pas jeté un grand éclat, du moins, elle s'est préservée de s grandes chûtes. Mais, ne faut-il pas un peu faire honneur de cette modération et de cette sagesse à la censure et à l'inquisition, dont l'auteur ne parle pas ? Après avoir rapidement passé sur le XVIII e siècle, où dominent les doc- trines de Locke et de Condillac, plus ou moins modifiées par Genovesi, Gioia,