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                        DE L'UNITÉ DES ARTS.                        389

  pond à la seule véritable et positive réalité, dont les réalités ex-
  térieures ne sont que les ombres grossières. La vraie réalité
  pour l'art, le type de ses représentations, c'est donc l'idéal. C'est
  dans ce qui échappe aux sens, c'est dans le monde invisible
  que l'art trouve le modèle qu'il doit s'attacher à peindre.
     Nous voici, dès l'abord, en face d'une notion de l'art, radi-
  calement opposée à la plupart des théories qui ont cours. On
  répète que l'art est une imitation de la nature, une reproduction
  du monde sensible, une copie aussi exacte que possible des réa-
  lités matérielles. De ce faux principe découlent toutes les théories
 vicieuses en fait d'art. L'essence de l'art n'est pas de représenter
  la forme matérielle, les apparences visibles ; c'est l'invisible qui
 est son véritable objet. Contrairement à toutes les théories sen-
  sualistes, nous pouvons donc hardiment poser en ces termes la
  loi de l'art .• l'objet de l'art est la représentation de l'invisible.
     Appliquons ce principe à l'un des arts qui semblent s'inspi-
 rer le plus directement de la réalité physique, un de ceux qu'on
 a nommé plastiques, à la peinture, et dans la peinture au genre,
 qui semble avoir pour condition plus particulière l'exacte repro-
 duction d'une forme matérielle et déterminée, au portrait. La
 ressemblance est le but du portrait ; c'est là sa plus indispensa-
 ble beauté. Mais la ressemblance s'obtient-elle seulement par le
 rendu minutieux de toutes les inflexions des lignes, de toutes
 les nuances du coloris qui constituent matériellement unefigure?
A-t-on fait un bon portrait, même un portrait ressemblant, en
copiant avec précision tout ce qui se voit, se mesure et s'apprécie
par la vue sur un visage à un moment donné ? Une des plus
curieuses inventions de la science moderne, le daguerréotype,
est venu démontrer toute la distance qui sépare, même sous le
rapport de la ressemblance, un véritable portrait de la reproduc-
tion mathématique des formes d'une tête dans tous ses détails.
Ce qui constitue l'individualité d'une figure , et par conséquent
ce d'où dérive la ressemblance, c'est cette manière d'être toute
intérieure , toute immatérielle, émanation du caractère, de la
nature morale , et qui prend dans la physionomie le nom d'ex-
pression. Demandez aux peintres, même vulgaires, si l'imitation