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382                   DE L'UNITÉ DES ARTS.
pression littéraire du sentiment et de la pensée. Ces règles dé-
rivent elles-mêmes des lois générales de toute manifestation de
l'esprit par la forme sensible, c'est-à-dire des lois du beau et
de la science esthétique qui les détermine. Un cours de littéra-
ture aboutit donc à un traité d'esthétique ou de philosophie de
l'art. C'est-à-dire que l'architecture, la statuaire, la peinture et
la musique doivent fournir leur contingent d'observations au
critique qui étudie les règles de l'éloquence et de la poésie;
c'est-à-dire enfin que l'histoire des beaux arts est inhérente à
toute histoire sérieuse de la littérature.
    Pour obéir à ce principe, nous consacrerons le cours de cette
année à l'exposition de la marche des Beaux arts chez les prin-
cipales nations historiques. C'est un tableau général et sommaire
que nous vous présenterons, subordonnant toujours l'étude des
 détails aux vues d'ensemble qui doivent surtout*nous préoccuper;
insistant d'ailleurs sur la poésie et les arts de la parole plus
largement que sur les arts plastiques ; comme il convient pour
 nous renfermer dans les obligations plus spéciales à cette chaire.
    Les rapports qui unissent la littérature et les arts, n'avaient
jamais été étudiés par les écrivains français avant la fm du siècle
dernier. Ce n'est guère que de Diderot que date en France la cri-
tique appliquée aux arts. Les poètes et les penseurs les plus émi-
nents du siècle de Louis XIV étaient restés profondément étran-
gers à la connaissance des arts plastiques. Molière et Boileau
mettaient sans façon Mignard au-dessus de Raphaël. Cette igno-
rance avait sa source dans le sentiment exagéré de la supério-
rité de la poésie sur la peinture. Les arts de la parole régnaient
alors si souverainement et éclipsaient d'une telle lumière les arts
 du dessin, que personne n'aurait eu l'idée que le poète put
 recevoir des leçons du statuaire et du peintre. Jusqu'à la fin
du XVIIIe siècle, le jugement un peu dédaigneux des littérateurs
 relégua les arts plastiques dans une sphère tout à fait à part et
 tout à fait inférieure.
   La pensée d'un enseignement réciproque entre les littérateurs
et les artistes, ne pouvait naître qu'à une époque où la peinture
tiendrait plus de place dans les préoccupations des esprits cul-