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SUR L'ABBÉ BONNEVIE. 321 et mettre de temps en temps le pot an feu : avec cela, !e repos e! l'abbé de Bonnevie, nous pourrons encore nous dire des heureux de la terre. Mais il faut, très-cher abbé, que vous consentiez à nous suivre en exil. Répondez-moi de suite à cette lettre, afin que dans les arrangements que j'irai, peut-être, moi- même prendre d'avance, je puisse préparer votre logement avec le nôtre. Comme je vous l'ai écrit, quand je serais obligée d'aller voir où nous nous fixerons pour toujours, je reviendrais chercher M. de Chateaubriand, et nous resterons encore à Paris jusqu'à la fin de septembre. Vous avez donc le temps de venir causer de tout cela avec nous, si mieux vous n'aimez nous attendre à Lyon, où nous passerions pour vous prendre. Dans tous les cas, réponse ; cher abbé, dites-nous si vous venez à Paris; dites-nous si vous venez n'im- porte où le sort nous jettera. Croyez que nous serons très-heureux dans notre petit ménage dont vous serez le grand aumônier. Tous savez que celui de France a été le premier à bénir le drapeau tricolore et à chanter le TeDcum. Tous nos faiseurs de coups d'état sont prêts à en faire autant. Mille choses à Berthe ; il faudra qu'elle vienne avec vous ; elle sera notre surinteudanle des finances. Berthe, célèbre dans les fastes des chambrières lyonnaises, était le majordome, le chef de service, la première et l'unique domestique du vénérable abbé ; petite, vieille, proprette, on lui faisait la cour pour être admis sans difficulté auprès de son sei- gneur et maître, dont elle serrait soigneusement la bourse pour qu'il ne l'épanchât pas avec trop d'abondance dans les mains des pauvres, car le charitable abbé donnait beaucoup. Un jour, un ami se plaignait de Berthe, ejj, présence de quelques per- sonnes dans un salon. « Que-voulez-vous ? répondit le bon cha- noine, si je la cbjtsskj>ar la porte, je suis sûr qu'elle rentrera par la fenêtre ; c'est pour cela que je la garde. » Madame de Cha- teaubriand lui avait donné un chat, descendant en droite ligne de celui qui prenait ses ébats dans les plis de la soutane blanche de Léon XII, quand il donnait audience au noble vicomte son mari, ambassadeur de France à Rome. Berthe lui donnait des soins particuliers, et n'oubliait jamais, avec un petit air nar- quois, de le montrer, comme objet d'une rare curiosité, aux visi- teurs du vénérable chanoine ; elle l'appelait le Romain. La fidèle domestique avait vieilli au service de son maître qui, pour ré- compenser ses longs et loyaux services, lui donna les invalides 21 ^