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                      REVUE DES THÉÂTRES.                       t59
tionnaire. 11 étudie sans cesse son art et il vise à de nouvelles
conquêtes. Observateur consciencieux de la nature, il pousse la
vérité de l'ensemble et le soin des détails aussi loin que nos
peintres flamands dans leurs Å“uvres. C'est plaisir de voir
M. Levassor dans les pièces de son ancien répertoire comme
dans celles de création plus récente. On l'y retrouve toujours
avec des nuances nouvelles , inattendues, avec des touches
plus spirituelles encore. Cet artiste ajoute sans cesse à ses
rôles, à ses chansonnettes même. Il fait de l'art dans les choses
qui semblent le moins en comporter. Entendez-le chanter sa
Mère Michel aux Italiens, son vieux Choriste, son Titi à la
représentation de Robert-le-Diable, son Enrhumé, et tant d'au-
tres, et vous vous rappellerez avoir vu ces types quelques part,
tant il y a de vérité dans les détails, dans la tenue , dans le
moindre geste, dans le moindre mot.
   Voyez avec quelle souplesse cet artiste se métamorphose, se
multiplie, dans Brelan de Troupiers, une de ses meilleures, une
de ses plus extraordinaires créations. Vous l'avez là sous trois
faces , sous trois âges, le commencement, le milieu et la fin.
Impossible de mieux reproduire ces trois physionomies du cons-
crit , du troupier et de l'invalide. La vérité d'observation est
poussée si loin, qu'un de nos amis, un peintre de grand talent,
habitué par conséquent à tous les effets mimiques, a été dupe,
à Paris, à la première représentation de Brelan de Troupiers. Il
est sorti convaincu d'avoir vu trois artistes différents dans ces
trois rôles et il ne savait auquel donner la préférence. Il a fallu,
pour le faire revenir de son erreur, recourir à l'affiche. C'est,
selon nous, le plus beau triomphe d'un artiste.
   Le Docteur en herbe, le Bas-Bleu, le Lait d'Anesse surtout,
nous montrent cet artiste sous un autre côté , celui de la verve
et de l'entrain. Sa gaîté est entraînante, communicative. Il sait
jusqu'où l'on peut aller, il s'arrête toujours à temps. Dans cette
pièce: Un garçon de chez Véry,~est-il possible de côtoyer
avec plus d'art et de décence l'immoralité d'une équivoque si-
tuation. Mais, dans de telles productions, nous ne trouvons pas
à sa place un talent comme celui de Levassor.
   Voyez le dans le Poisson d'avril, les Deux Vieux Papillons
et Romeo et Marielle. Là notre artiste se retrouve tout entier
et à l'aise. Là le comédien élargit le cadre et fait d'un vau-
deville une œuvre importante par la manière dont il s'identifie
avec le personnage qu'il représente. Ce sont là trois caractères,
trois types bien différents, bien opposés. Comme ils sont ren-
dus avec simplicité, avec naturel. On ne voit plus l'art, ce sont
autant de portraits pris sur nature.
                                                     L. B.