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DE LA CHAPELLE DE FOURVIÈRE. 57 couvert de prestige, et l'on a proposé de rétablir simplement les conditions primitives de l'édifice. Assurément, ce n'est pas nous qui nierons la puissance et la majesté des souvenirs que per- pétue un lieu consacré par la dévotion d'un si grand nombre. Pourtant, il est permis de demander si un monument qui a une utilité constante, qui n'est pas seulement un reste du passé, mais bien, pour ainsi dire, une institution, une croyance vivante et réalisée en pierre et en bois, ne peut être, sans profanation, approprié à l'usage qu'il est appelé à remplir. Nous comprenons que les temples de l'antiquité, les forum, les arcs-de-triomphe et les arènes des Romains soient respectueusement conservés dans leur poudreuse intégrité. Nous croyons que, pour des édifices de cette sorte, espèce de débris fossiles d'une civilisation per- due, il faut, en effet, se contenter de suppléer à l'ornement fra- gile, au chapiteau ou à la base qui tombe en poussière sous l'action des siècles, par la simple pierre brute destinée seulement à retenir des fragments disjoints. Doit-il en être ainsi d'un monument qui est notre contemporain par l'idée qu'il repré- sente, par l'emploi auquel il est destiné, tradition que nous n'entourons pas seulement du respect attaché au temps, mais qui iépond, pour nous, à une foi, à un but se perpétuant au-delà du présent? N'aurions-nous pas enfin, pour nous, si nous dési- rions justifier ces assertions, la loi nécessaire du développement de l'art, et l'exemple du passé, qui nous apprend que les peuples catholiques du moyen-âge croyaient rehausser bien plus le ca- ractère d'un lieu vénéré par la splendide cathédrale qu'ils y édifiaient, que par la conservation stérile de la pauvre église, offrande peut-être de nos premiers pères convertis. Du reste , de quelque manière qu'on veuille résoudre cette question, elle ne peut être en cause dans le point qui nous oc- cupe. C'est en vain que l'on rétablirait aujourd'hui la chapelle de Fourvière avec son ancien et modeste clocher ; on ne lui rendrait pas le caractère respectable, si cher au chrétien. Ce n'est pas la forme matérielle qui nous est précieuse dans un édifice traditionnel, ce sont les pierres elles-mêmes , les faits dont elles ont été témoins, et dont elles semblent avoir gardé