L'évêque, le diacre et le manuscrit

Un grand moment de l'histoire du livre à Lyon : la bibliothèque épiscopale du IXe siècle

La Bibliothèque possède, encore aujourd'hui, des livres manuscrits du temps des Romains (Ve, VIe siècles) qui, sans doute, ont été copiés dans des ateliers lyonnais de l'époque et qui n'ont donc jamais quitté depuis le Bas-Empire la région où ils ont été produits : le cas est unique en France. Ce sont des livres chrétiens, contemporains de l'évêque saint Eucher ou du poète et homme politique lyonnais Sidoine Apollinaire, qui, à la fin de sa vie, devenu évêque de Clermont-Ferrand, fut, au pays de Vercingétorix, l'un des derniers défenseurs de l'Empire romain.

Ces manuscrits de l'Antiquité tardive représentent en fait les derniers survivants d'une tradition lyonnaise du livre, née sans doute dès la fondation d'une ville destinée à assumer une fonction de capitale. Les empereurs ou les membres de la famille augustéenne y séjournèrent à plusieurs reprises, dont Auguste lui-même trois années de suite, de 16 à 14 avant J.-C. En 10 av. J.-C. Drusus exerçait le commandement en Gaule et résidait à Lyon, et c'est là que naquit son deuxième fils, le futur empereur Claude. Ces grands personnages sont des hommes cultivés, qui ne se déplacent pas sans livres, non plus que les officiers des légions romaines.

On peut penser que le niveau culturel des Lyonnais, marchands, notables ou aristocrates gaulois, était dès le premier siècle de notre ère comparable à ce qu'il était dans les villes de la Narbonnaise, comme Arles où le rhéteur Favorinus, qui composa son oeuvre en grec sous Hadrien, avait reçu sa formation. En tout cas, le poète Juvénal fait allusion aux concours de rhétorique qui se déroulaient à Lyon sous l'empereur Caligula, le poète Martial sous Domitien se réjouit d'être lu à Vienne, et Pline le Jeune dit au début du IIe siècle à un correspondant lyonnais son étonnement d'apprendre qu'il y a des libraires à Lyon et que ses livres s'y vendent. Là où il y a des libraires, on fabrique aussi des livres, puisque dans l'Antiquité le libraire est à la fois éditeur et diffuseur.

Plus tard, dans la seconde moitié de ce même IIe siècle, les Chrétiens, venus d'Orient par le Rhône, ont commencé leur évangélisation dans cette cité qui devint le siège du plus ancien évêché de Gaule, or il n'y a pas de chrétienté sans livres. La liturgie était encore en grec et donc en grec aussi l'Ancien et le Nouveau Testament. Après la persécution de 177, le successeur de saint Pothin, saint Irénée, originaire d'Asie mineure, écrivit à Lyon, dans sa langue maternelle, le plus ancien ouvrage de théologie du monde chrétien, son traité Contre les hérésies, et, pour combattre la gnose, devait disposer sur place de toute une bibliothèque gnostique.

"Initiale O ornée incluant un M", saint Augustin, De diversis quaestionibus LXXXIII IXème siècle (BM Lyon, Ms 612, f. 3 v°, détail)

Au Ve et au VIe siècles plusieurs évêques de Lyon ou de la région ont laissé une oeuvre littéraire importante : saint Eucher, évêque de Lyon de 432 à 449, Sidoine Apollinaire, saint Avit de Vienne du temps où Gondebaud, le roi des Burgondes, s'était à son tour installé dans le palais de Fourvière.

La défaite des Burgondes en 529 scella la destinée de Lyon dans le Haut Moyen Age : la ville s'effaça, se blottit sur les bords de Saône après la destruction du dernier aqueduc, perdit toute influence politique, tout en continuant de jouer un certain rôle dans la vie de l'église mérovingienne. Avant de devenir évêque de Lyon de 553 à 573, saint Nizier, issu d'une famille aristocratique gallo-romaine établie en Auvergne, avait été le précepteur du futur Grégoire de Tours son neveu, et c'est auprès de lui que l'adolescent avait pris goût à la littérature et lu aussi bien Virgile que les historiens anciens. Mais Nizier et Grégoire sont déjà d'une autre époque. Pour la suite, il est impossible d'établir la liste complète des évêques qui se sont succédé sur le siège lyonnais, entre la mort de saint Priscus (585) et la nomination d'Adon (769). Il est vraisemblable que, lors de la grande misère de l'Eglise de Gaule au VIIIe siècle, sous Charles Martel, qui avait confisqué les biens ecclésiastiques, Lyon resta assez longtemps sans évêque, comme tant d'autres sièges.

Leidrat le Bavarois

Pépin le Bref, protecteur des papes, qui en retour ont légitimé son usurpation, amorça une politique religieuse inverse de celle de son père, reposant sur une réforme liturgique inspirée de Rome et une formation soignée du clergé, et il pourvut les sièges vacants. Mais c'est son fils Charlemagne qui, plus audacieusement, doubla cette politique religieuse d'une politique culturelle destinée non seulement à parfaire l'éducation des clercs, mais aussi à doter l'administration du royaume de cadres bien formés, sur lesquels s'appuyer pour mettre en application, dans tous les domaines, ses décisions. L'Admonitio Generalis promulguée le 23 mars 789 (mille ans avant la Révolution française !) est le point de départ officiel du grand mouvement carolingien en faveur de l'école, de l'étude, de la copie des livres et de la normalisation de la langue de culture, celle des échanges internationaux, celle de l'Eglise et de l'administration, le latin, désormais bien séparé de la langue de tous les jours, la rustica romana lingua en ses divers dialectes, ou des parlers non romans des pays de peuplement germanique ou celte. On sait que l'impulsion donnée aux études par Charlemagne fut irréversible, et est à l'origine du foisonnement des littératures tant latines qu'en langues vernaculaires, tout au long du Moyen Age.

Que les nouvelles orientations aient été appliquées à Lyon comme dans les autres centres, il est permis d'en douter sous le long épiscopat d'Adon. A sa mort en 798, Charlemagne nomme sur le siège de Lyon un de ses hommes de confiance, le Bavarois Leidrat, élève d'Alcuin, qui venait de s'acquitter, en collaboration avec l'abbé du monastère de Gellone, Benoît d'Aniane, le futur réformateur de l'ordre bénédictin, d'une mission difficile auprès de Félix, évêque d'Urgell dans le Roussillon, soupçonné d'hérésie. Ne prétendait-il pas, comme l'archevêque de Tolède Elipand, que Jésus était non le fils unique de Dieu, mais seulement son fils adoptif ?

"Loi II du livre VIII", Lex Romana Wisigothorum, IXème siècle (BM Lyon, Ms 375, f. 30 v°, détail)

Les missions à Urgell, l'amitié de Leidrat pour Benoît d'Aniane, les contacts avec le clergé de l'ancienne Septimanie (Languedoc, Roussillon) ont fait que ce Bavarois était en relation constante avec des hommes du Sud, dont la culture était quelque peu différente de celle qu'il avait reçue tant dans son pays d'origine qu'à la cour, auprès d'Alcuin. Il existe du reste une vieille tradition lyonnaise qui, depuis l'Antiquité, tourne cette ville vers les pays du Sud. Pourquoi copiait-on à Lyon même, dès le VIe siècle, la Loi romaine des Wisigoths, code des lois impériales appliquées en Espagne (ce manuscrit n'est plus aujourd'hui à Lyon, comme au IXe siècle, mais à Berlin), sinon parce qu'on avait besoin de connaître ce droit dans les échanges de toute nature avec la Septimanie ?

C'est lui, Leidrat, qui le premier a donné l'impulsion à la reconstitution de la bibliothèque capitulaire qui a fait la réputation de Lyon dans le monde savant, tout au long du IXe siècle. Leidrat a transporté à Lyon sa bibliothèque personnelle. Nous savons un peu de quoi elle était faite : elle comportait, en plus de commentaires bibliques, un recueil de logique contenant l'Organon d'Aristote dans la traduction de Boèce, ce qui suffirait à qualifier son propriétaire d'intellectuel. Il subsiste aujourd'hui cinq manuscrits, dont l'évêque fit don à la bibliothèque de son église cathédrale, laquelle était alors Saint-Étienne, et c'est de sa main que, dans quatre d'entre eux, nous pouvons encore lire la dédicace, écrite d'une minuscule si caractéristique qui tranche sur l'écriture de ses propres livres : Moi, Leidrat, évêque en dépit de mon indignité, j'ai offert le présent livre à l'autel de Saint-Etienne.

Ces livres, copiés de son vivant et à son initiative, il les a corrigés et parfois annotés. Dans le rapport qu'il adresse à Charlemagne au moment où il songe à se retirer et à laisser le diocèse à son chorévêque [note]Les archevêques de Lyon étaient d'abord entourés de vicaires appelés à les seconder dans l'exercice de leur ministère, et dont quelques uns revêtirent le caractère épiscopal. Ces vicaires furent d'abord désignés sous le nom de chorévêques ou corévêques, puis sous celui de suffragants, enfin d'auxiliaires. Agobard, Leidrat écrit : J'ai également oeuvré de tout mon possible pour faire copier des livres au sein de mon église. Ses successeurs feront de même, que ce soit Agobard, après lui Amolon puis l'évêque Remi venu du monastère de Saint-Oyand dans le Jura, une dépendance de l'évêché lyonnais d'alors, quatre fois plus grand qu'aujourd'hui : tous, animés du même désir de faire croître la bibliothèque, ont imité Leidrat en donnant des livres personnels, et l'on voit plus tard Mannon léguer, lui aussi, une partie de ses livres au monastère de Saint-Oyand, dont il était le prévôt.

"Incipit en lettres capitales, initiatale F ornée en texte en minuscule caroline", saint Augustin, Contra Faustum fin VIIIème - début IXème siècle (BM Lyon, Ms 610, f. 1 v°, détail)

Cette bibliothèque ne devait pas seulement sa richesse aux évêques : elle eut de 825 à 860 environ, un inspirateur génial, qui en fut aussi le principal lecteur, en la personne du diacre Florus, secrétaire successivement d'Agobard (le premier à porter le titre d'archevêque), d'Amolon et de Remi, et dont Mannon de Saint-Oyand fut le meilleur élève. Il y a donc continuité d'inspiration pendant un siècle durant, et cela aussi explique comment tant de trésors ont pu confluer vers un même lieu.

Florus le bibliothécaire

Florus était vraisemblablement originaire de Lyon ou de ses environs, et sans doute l'élève de Leidrat. Nous ne connaissons pas sa date de naissance, mais le voyons en 825 cosigner une lettre avec Agobard son évêque, ce qui suppose une autorité reconnue. Une forte corrélation existe entre la fonction de secrétaire exercée par Florus et celle de bibliothécaire. En effet, l'évêché de Lyon, sous Louis le Pieux puis après le partage de l'Empire en 843, est caractérisé par une attitude d'indépendance en matière politique et théologique. Les mandements ou les interventions des évêques s'appuient sur des argumentations élaborées à partir des sources bibliques, patristiques, juridiques, théologiques. Le diacre Florus préparait les dossiers et se comportait en expert, en conseiller. Quand, pour des motifs politiques, à la fin des années 830, Agobard a été éloigné de son siège au profit d'Amalaire de Metz, réformateur imprudent de la liturgie, Florus est intervenu directement dans les assemblées du royaume, pour défendre son évêque. Ou encore lors de la grande controverse sur la prédestination, c'est Florus qui, en gardant l'anonymat, est intervenu par un écrit polémique dirigé contre Jean Scot, lequel s'était lancé imprudemment dans la mêlée. Le rôle de Florus, qui parle au nom de son Eglise, est capital et assure la continuité de l'attitude lyonnaise, mais il est caractérisé par la discrétion et l'humilité, l'effacement. Il prépare le dossier, mais son évêque le signe. Il en résulte qu'en bien des cas, il est difficile de trancher et de dire si la prose qu'on lit est celle de Florus, d'Agobard ou d'Amolon. Il est aussi, en 858, le rédacteur des actes du concile de Valence.

Florus, Commentaire sur les épître de Saint Paul, tiré des oeuvres de saint Augustin En bleu, cartouche indiquant le nom de l'ouvrage de saint Augustin utilisé par Florus pour composer son commentaire ; Florus a ensuite rajouté une note à l'encre brune dans un cadre bleu tiré du De Trinitate de saint augustin, comme l'indique le cartouche rouge (BM Lyon, Ms 484, f. 113 v°, détail)

Il est vraisemblable que c'est Agobard qui a confié à Florus la charge de la bibliothèque, en choisissant parmi les élèves formés par son prédécesseur celui qui avait la culture la plus large et une vraie envergure intellectuelle. Dans la vie de ces évêques lyonnais qui sont des hommes d'action, le livre revêt une grande importance parce qu'il leur permet de fonder cette action sur la tradition de l'Eglise. Chaque fois qu'un problème est à résoudre, ils recherchent dans les livres des Pères, ou dans la tradition juridique (canonique ou civile, car leur pouvoir est aussi temporel), de quoi appuyer et justifier leurs décisions.

Florus a donc reçu de ses évêques des missions bien précises. A lui de se procurer les ouvrages nécessaires. Si ces ouvrages ne se trouvaient pas dans la bibliothèque capitulaire, il devait les rechercher, soit dans les établissements lyonnais restaurés par Leidrat, qui avaient conservé leur bibliothèque propre (cela semble être le cas notamment pour le monastère de l'Ile-Barbe), soit les emprunter à d'autres établissements du diocèse ou, en fonction de ses relations et de celles de son évêque, à des centres même éloignés tels que Saint-Amand, Corbie, ou aux établissements du sud de la Gaule, avec lesquels Lyon était tout naturellement en relation. Il faut comprendre que Florus n'a pas cherché à accumuler des livres par seul amour des livres, mais que l'enrichissement de la bibliothèque est avant tout la conséquence naturelle de l'activité déployée par l'évêché de Lyon, tout au long du IXe siècle. Mais le bibliothécaire était aussi, nous en avons bien la preuve, un dévoreur de livres, au service d'évêques qui tous avaient une importante culture.

"Mention indiquant que le livre a été déposé par Leidrat dans l'église Saint-Etienne, a été volé et a été retrouvé", saint Augustin, Contra Faustum fin VIIIème - début IXème siècle (BM Lyon Ms 610, f. 1)

Une fois le livre acquis, par don ou par échange, il y avait lieu parfois d'en restaurer les folios devenus illisibles, ce que nous voyons pratiqué dans plusieurs exemplaires, et d'en faire exécuter une copie, obligatoirement quand il s'agissait d'un livre emprunté à un autre centre, et souvent même plusieurs copies. A la bibliothèque était en effet attenant un atelier, le scriptorium, dont l'activité a dû être considérable. Nous reconnaissons, pendant la période florienne, de 825 environ à 860, les mains de plusieurs copistes, tous formés à la même école, c'est-à-dire pratiquant une écriture caroline [note]Ecriture de petit module, utilisée à partir du règne de Charlemagne, dont elle tire son nom. soumise aux mêmes conventions graphiques, à la même ponctuation, comme s'il s'agissait des élèves d'un même maître, et se distinguant seulement par leur style. Il est étonnant de voir comme l'écriture de Mannon ressemble à celle de Florus qui l'a formé, sans pour autant se confondre avec elle. Ces deux mains sont celles que nous identifions le mieux, cependant que d'autres mains, qui se retrouvent dans plusieurs manuscrits, restent pour nous anonymes. En outre, nous voyons apparaître plusieurs mains wisigothiques, ce qui n'est pas étonnant : la minuscule wisigothique était l'écriture d'Agobard, de culture hispanique (ou pour mieux dire septimanienne), sans doute aussi de Moduin, évêque d'Autun mais passé par Lyon, ainsi que de Félix d'Urgell et de son vicaire général, assignés à résidence à l'Ile-Barbe du temps de Leidrat, et sans doute de membres de l'entourage de tous ces personnages. Aussi plusieurs des manuscrits copiés à Lyon à cette époque-là sont-ils d'ascendance hispanique : on le voit soit par l'emploi direct de cette minuscule, soit par les symptômes qu'elle a laissés sous la plume du copiste carolingien à son insu, sans parler des gloses en cette écriture si typée.

L'admiration des contemporains

Actuellement, sont conservés un peu plus d'une centaine de livres ayant appartenu à cette bibliothèque, dont une bonne cinquantaine est encore à Lyon. Sur cette centaine, 33 sont antérieurs à l'an 800 : 5 datent du Ve siècle, 10 du VIe, 11 du VIIe, 7 du VIIIe, les autres ont été copiés au IXe siècle, dont la majorité à Lyon même. Mais d'où venaient tous les manuscrits antérieurs à l'époque carolingienne ? Etaient-ils déjà dans la bibliothèque capitulaire du temps d'Adon ? Quelques-uns peut-être, mais il est vraisemblable que, pour la plupart, ils y ont été rassemblés à partir des divers établissements religieux de Lyon et de la région. Il est tout à fait remarquable que ces manuscrits anciens, après avoir fait l'objet de copies, aient été pieusement conservés, alors qu'ils ne correspondaient plus à l'écriture usuelle de l'époque : il n'en a pas toujours été ainsi au Moyen Age.

Pour reconstituer le contenu de la bibliothèque capitulaire du temps de Florus, la méthode est simple : il suffit d'interroger les oeuvres-mêmes de Florus et de ses évêques. Florus a en effet composé plusieurs recueils d'extraits des Pères de l'Eglise : nous en connaissons au moins trois, le commentaire des Epîtres de saint Paul tiré des oeuvres de saint Augustin, dont nous avons partiellement, avec le manuscrit Ms 484, l'original autographe, le commentaire des douze Pères, qui rassemble les extraits pauliniens de divers auteurs ecclésiastiques grecs et latins de l'Antiquité, et la compilation De fide, faite d'extraits d'auteurs antiques sur le sujet de la foi. Les deux premiers sont des ouvrages énormes, où les extraits pauliniens des divers auteurs sont disposés épître après épître, dans l'ordre de déroulement du texte paulinien. En face de ces compilations, nous possédons encore une partie des manuscrits d'où Florus a tiré les extraits qu'il rassemblait méthodiquement, et nous pouvons voir l'auteur à l'ouvrage.

On peut en déduire que cette bibliothèque possédait, outre de nombreux exemplaires de l'Ancien et du Nouveau Testament, toute l'oeuvre, immense, de saint Augustin, ou presque, rassemblée par Florus sans jamais confondre dans ses dépouillements les oeuvres augustiniennes authentiques avec les si nombreux textes faussement attribués à l'auteur : il se guidait sans doute sur les Rétractations de saint Augustin lui-même et sur le catalogue de la bibliothèque d'Hippone transmis par son éditeur et ami Possidius ; toute l'oeuvre de saint Cyprien, de saint Jérôme, de saint Hilaire, de saint Ambroise, de saint Pacien de Barcelone, de saint Léon le Grand, plusieurs ouvrages d'Origène dans la version de Rufin, des traductions latines de saint Grégoire de Nazianze, de saint Cyrille d'Alexandrie, de saint Ephrem. De plus, conscients comme étaient ces clercs lyonnais de la grandeur de l'Eglise lyonnaise antique, ils avaient réuni les oeuvres de saint Irénée (dans la traduction latine du Ve siècle), de saint Eucher, de saint Avit. Agobard avait offert un manuscrit de Tertullien, aujourd'hui à la fois le plus célèbre et le plus précieux des manuscrits de cet auteur. A cela s'ajoutaient des livres bilingues grec/latin (psautiers, Nouveau Testament), dont le fameux codex des Evangiles donné par Théodore de Bèze à la bibliothèque universitaire de Cambridge, des livres profanes destinés à la pédagogie, Virgile, Ausone, Donat, des extraits des poètes païens ou chrétiens, des livres de droit, code théodosien, recueil des actes de conciles de la Gaule. Pour beaucoup de ces textes, l'exemplaire lyonnais est la plus ancienne copie conservée.

On comprend l'admiration des contemporains, qu'exprime Wandalbert de Prüm, dans l'introduction du martyrologe, qu'il compose en 848 après avoir consulté Florus, lui-même auteur d'un martyrologe : Le très renommé Florus, sous-diacre [sic] de Lyon, célèbre en notre temps pour les études vraiment extraordinaires qu'il consacre sans relâche à la connaissance des Ecritures, aussi bien que pour le nombre considérable et la correction des livres authentiques qu'il a à sa disposition.

L'existence de cette bibliothèque a été capitale pour la transmission de ces textes durant le Moyen Age et jusqu'à nous, puisque tant les Clunisiens que les Cisterciens ont, en fait, largement constitué à partir d'elle le fonds le plus ancien de leurs bibliothèques.