page suivante »
PIERRE PALLIOT 44I s'estoit données pour l'illustrer par ses ouvrages curieux concernant l'histoire généalogique des familles. Je le consolai du mieux qu'il fut possible, et je taschai de lui faire entendre que ces vérités trop crues et mal digérées qu'il disoit d'une manière peu polie et trop franche faisoient que, bien loin de s'attirer des récompenses, il estoit regardé comme un homme qui faict peu de plaisir... Il me répondit toujours, comme un vieux Gaulois, qu'il ne disoit rien que de vray. A quoy je n'eus autre chose à répondre, sinon que toutes ces vérités ne sont pas bonnes â dire et que supprimit orator qua rus - ticus tait impie. En effet, il est vray, comme on ne peut en douter et qu'il est fort aisé de le prouver plus clair que le jour, que les meilleures maisons du royaume, et qui sont sans contredit les plus illustres, les plus grandes et les plus nobles, soit par leur antiquité, soit par leur origine, soit par leurs alliances, soit par les grandes dignités et les grandes richesses qu'elles ont possédées, ont néan- moins besoin d'estre mises dans un certain jour; à plus forte raison les médiocres doivent estre traitées avec habileté et avec ména- gement. Je me souviens mesme que je luy en donnay grand nombre d'exemples, soit dans l'épée, soit dans la robe, sur lesquelles il y a des anecdotes où l'on trouve des mésaillances et des faicts fascheux, mais pourtant véritables, que l'on n'a garde d'escrire dans un livre d'histoire. Mais toujours arresté à son sens, il ne convenoit pas de ce que je luy disois... Il me montra ensuite ses livres... Il y en avoit 14 volumes in-folio, escrits fort menu et néanmoins d'un caractère fort lisible... J'avoue que, depuis que jJay eu le loisir de les examiner, j'ay esté merveilleusement content de mon acquisition. (1) M. de Gaignières, (2) qui les avoit déjà veus, les a trouvés admirables. Le P. André, de Besançon, les estime beaucoup... Je les ay faict voir à plusieurs personnes de mes amis, à M. d'Hozier, à M. Dufourni, (3) (1) M. Joly de Blaisy les avait payés 100 livres pièce. (2) François-Roger de Gaignières, savant collectionneur, mort en 1715, et dont les riches portefeuilles sont allés grossir la bibliothèque nationale. (3) Honoré Caille, sieur du Fourny, auditeur des comptes, érudit, né en 1630 et mort en 1713.