page suivante »
ÃŽ42 LA REVUE LYONNAISE
Ton œuvre avait sa cause, elle était nécessaire,
Mais il fallait du moins épargner cet enfant
Que la Patrie, aimante et malheureuse mère,
Appelle dans l'effort d'un sanglot étouffant.
Vers la France élevons nos âmes filiales,
Et que la vision sombre des jours lointains
T e pardonne ce meurtre et tes erreurs fatales,
O lugubre passé qu'ont voulu les Destins !
Et nous, poètes, nous qui recherchons la trace
Du Maître disparu dans l'orage indompté,
Montons vers les sommets étincelants où passe
Le rayon radieux, l'ineffable clarté ;
C'est là que nous pourrons le rencontrer, sans doute ;
Certe, il faut un cœur mâle, il faut un vol hardi.
Ah ! déchirons nos pieds aux ronces de la route,
Mais gravissons les monts où l'aube resplendit.
Il n'a pas recueilli tout le miel de l'Hymète !
Il a laissé des fleurs au bord des clairs ruisseaux !
Camille pleure, mais Néère est toujours prête
A sourire à ses yeux dans le miroir des eaux.
Nous pourrons apaiser notre lèvre altérée,
Charmer tout à la fois notre cœur et nos sens,
En buvant l'onde aux bords de la coupe nacrée
Que tend la nymphe blonde aux contours frémissants.
Et, comme aux jours dorés, où la verte Sicile
Ecoutait, dans les nuits tièdes de son Printemps,
Chanter, en souriant, le poète Virgile ;
Oubliant les saisons, les heures et le temps,
Surles gazons en fleurs des plus lointaines cimes
Arrêtons-nous, — Chénier aimait à s'y bercer ; —
Relisons ses beaux vers purs, inspirés, sublimes,
Et, son livre à la main, attendons-le passer.
Camille ROY.
Extrait des Rimes Printanières. — Partie : Poèmes et Chansons. — Inédit.