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2S LA REVUE LYONNAISE brasser la réforme. D'après les historiens protestants, la nouvelle doctrine y fut prêchée, dès 1528, par un Cordelier désigné sous le nom de Macheville ou Machopolis, qui était allé en Saxe entendre les prédications de Luther. Annonay serait ainsi plus ancienne que Genève dans la pratique du protestantisme. Ce fut elle, dans tous les cas, qui donna le signal des troubles religieux en Vivarais. Au mois de mai 1562, ses protestants, plus nombreux ou plus turbulents que les autres, brisèrent les images et les autels catholiques et détruisi- rent les églises. Us commirent, de plus, l'imprudence de porter leurs agressions à l'extérieur en allant attaquer Saint-Etienne en Forez, ce qui leur valut l'implacable ressentiment de Christophe de Saint- Priest, seigneur de Saint-Chamond. Celui-ci marcha sur Annonay, à la tête de troupes dont la discipline, comme les convictions reli- gieuses, était le moindre souci. La malheureuse ville fut prise et sac- cagée cinq fois (en 1562 et 1568), tantôt par Saint-Chamond et tantôt par son frère, Jean de Saint-Priest, seigneur de Saint-Romain, un ancien archevêque d'Aix qui s'était fait protestant pour se ma- rier. Grâce au désordre occasionné par la guerre civile, des ban- dits, qui n'étaient ni catholiques ni protestants, dévastaient les cam- pagnes, rançonnaient et massacraient les malheureux cultivateurs. L'un d'eux, un basochien de Montpellier, nommé Erard, qui s'était improvisé capitaine, s'acquit une triste célébrité par les tortures qu'il infligeait à ses victimes pour se faire indiquer la cachette de leur argent. Quand il ne les faisait pas mourir de faim, il leur ser- rait la tête dans [un étau jusqu'à ce qu'ils eussent parlé. Achille Gamon a retracé les péripéties de 'cette triste période avec l'impar- tialité, la vigueur et la simplicité d'un véritable historien (1). Une Ode sur les malheurs du temps, qui lui fut adressée par Claude Gentil, (1) Chomel, dans ses Annales, tout en reprochant à Achille « de passer assez légèrement sur les endroits de son histoire, où il est question de décrire un peu au long la démolition et le pillage des églises par les protestants, les menaces et les insultes faites aux'prêtres et aux religieux, » reconnaît que « à cela près, il fait assez connaître le zèle outré et aveugle qui les poussa à s'élever contre l'ancienne religion, à eninterdire même l'exercice. »