Revue lyonnaise » n°7 ( 1884 ) » pp.457

                       TROIS MOIS A VENISE                           -457
Géants, puis par la Scala d'Oro, qui mène aux grands apparte-
ments. Celui-ci a été construit par Sansovino; il doit son nom aux
ornements en or qu'on y remarque, Visitons les trois chambres des
Avogadors (avocats), gardiens du Livre d'Or delà noblessevéni •
tienne; la Bibliothèque, fondée, en 1392, richede 140,000 volumes,
8.600 manuscrits, dont un certain nombre grecs et latins ; \&salle
du Grand Conseil, une des plus belles et des plus vastes de l'Eu-
rope, où se rassemblait le Grand Conseil, composé des nobles ins-
crits dans le Livre d'Or et qui constituait la souveraineté fondamen-
tale de la République ; dans cette salle, sont peints surles parois,
les plafonds, ainsi que, dans toutes les suivantes, les fastes de la
République.
   Elle a 154 pieds de long, 75 de large et 45 de hauteur. L'une de
ses extrémités est décorée par la Gloire du Paradis, du Tintoret,
où lepeintre a entassé plus de 10,000 personnages. La corniche de
la salle est composée des portraits des doges encastrés dans la
boiserie. A la place du cinquantième, on r.e voit qu'un cadre avec
 cette inscription sur fond noir : « Ici, est la place de Marino
Faliero, décapité pour ses crimes. » Cette salle occupe presque toute
la façade qui regarde sur la mer. C'est à sa splendide fenêtre à
balcon, sculpté par TulliusLombardo,que se plaçait la dogaresseet
sa cour pour jouir du spectacle de la Sanza (fête de l'Ascension),
où le doge monté surle Bucentaure, sortait de l'arsenal remorqué
par les célèbres Arsenallotti,      balançant au-dessus des eaux ses
flancs dorés et ses cordages de fleurs. Vêtu de sa robe d'or et le
corno ducale sur la tête, il lançait au loin, dans la mer, en signe
d'alliance, sa bague de saphir. Pendant ce temps, les batteries
tonnaient. Le soir, le navire était illuminé.
   Entrons dans la salle du Scrutin, où Y on élisait les quarante et
un nobles qui devaient choisir le doge; la chambre des Ecariâtes,
où était le dépôt des toges d'écarlate des patriciens qui se rendaient au
Grand C o n s e i l l a salle du Bouclier (sala dello Scudo), où l'on
suspendait les armoiries du doge régnant ; les               appartements
privés du doge ; la salle des Chefs (sala dei CapiJ, la salle du
Conseil des Dix, élus annuellement parmi les membres du Grand
Conseil pour juger les crimes de haute trahison, les fautes des
patriciens. Toutes ces pièces ont de remarquablescheminées, des sa-