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426                        LA R E V U E L Y O N N A I S E

entremêlant le récit de digressions historiques, d'anecdotes plaisantes, qui en
éloignent l'uniformité et reposent l'attention du lecteur. La critique, pour sa
part, n'a pas toujours été clémente pour M. Tissot; mais dans les reproches qui
lui ont été adressés, il faut faire une large place à la jalousie. L'auteur du Voyage
au pays des Milliards avait su captiver et séduire le public; il était un guide que,
à la veille d'entreprendre une excursion dans les contrées qu'il avait visitées, on
consultait volontiers: c'en était assez pour que l'envie se déchaînât contre lui.
Qu'il continue, sans trop en prendre cure, à nous conter la suite des pérégrina-
tions qu'il ne peut manquer d'entreprendre encore.
    Son dernier volume, Y Allemagne amoureuse,              est consacré à la ville de
Dresde. La capitale saxonne, toute gaie, toute pimpante, forme un contraste avec
Berlin; l'amour s'y présente sous ses allures les plus coquettes. Tandis qu'au
bord de la Sprée s'étale sans pudeur la débauche crapuleuse, à Dresde, le dé-
 sordre même a quelque chose de recherché, rémimssence des cours galantes du
 x v m e siècle, toutes plus ou moins taillées sur le modèle de celle de Versailles.
 Sous la plume de M. Tissot, les anecdotes folâtres se pressent : il les a cueillies à
 pleines mains dans la chronique scandaleuse de l'endroit, fort riche, paraît-il,
 en pareille matière. Le présent ne lui suffisant pas, il évoque des souvenirs du
 passé: les Mémoires do Casanova lui fournissent de croustillants récits. Ce livre
 ne saurait évidemment être mis entre toutes les mains, le nom seul des autorités
  qu'invoque M. Tissot suffit a i e faire comprendre. Mais ceux que n'effarouchent
 pas les éclats d'une gaieté un peu rabelaisienne y trouveront à « s'esbaudir au
 proufict des reins ». J'ajoute qu'en fermant le livre, nous éprouverons la délicate
 satifaction de nous considérer comme des gens éminemment vertueux, au prix de
 nos bons voisins, ce qui chatouillera agréablement notre vanité nationale.
                                                            CH.   LAVENIR.




      LES COULISSES D'UN LIVRE. A propos des Mémoires de Henri Heine, par
       F. ICOH^-ABREST, avec un portrait de Henri Heine. — Paris. Hinriehsen et
       Cie., éditeurs, 40, rue des Saints-Pères. 1884.


    Très curieuse la brochure de M. Kohn-Abrest A propos des mémoires               de
 Henri Heine, dont elle forme comme l'indispensable avant-propos. Dans une
 trentaine de pages pétillantes de verve, M. Kohn-Abrest raconte l'histoire de ce
 manuscrit, s'efforce d'en prouver l'authenticité, narre les démêlés héroï- comiques
 auxquelles sa possession a donné lieu. L'enjeu était, en effet, pour tenter : outre
 l'intérêt littéraire qui s'attachait à ces pages laissées par le poète, il y avait la
 question pécuniaire qui n'était point à négliger. M. Julia, le détenteur des p r é -
 cieux papiers qui formeront à peine un tout petit volume, a su, grâce à des
 prodiges d'habileté, en obtenir seize mille francs de l'éditeur Calmann Lévy.
   Il lui reste quelque chose d'une valeur plus considérable encore que ces Mé-
 moires, c'est la volumineuse correspondance de Heine, sa véritable histoire intime.
 Quand sonnera l'heure do la publication de ces lettres, nous verrons s'engager
 de nouvelles luttes, et entrer en lice d'autres personnalités. Four le moment je
 me contente de signaler la brochure de M. Kohn-Abrest, d'en constater l'intérêt
 et d'en louer l'humour et la piquante saveur.               CH. LAVENIR