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182 LA REVUE LYONNAISE peine les isole du reste du monde et les rapproche. Chacun ayant besoin d'un confident, ils se plaignent ensemble, Pectorin, qui est doux, avec tristesse, Cèrébron, l'orgueilleux Cérébron, avec amer- tume; et, en se communiquant leur ennui, du moins quelque con- solation les visite. Cérébron sort de page, plus fortuné que Pectorin encore jeune. Le voilà donc son maître, et qui plus est, maître d'on ne sait quel pauvre garçon qui lui déplaît à première vue, et dont il se plaint par lettres à Pectorin : « Si vous me réclamiez pour vôtre? » s'écrivent- ils. Cette idée les flatte. Ni l'un ni l'autre n'auront de cesse avant qu'elle soit réalisée. Yictoire ! Les voici ensemble, ces bons vieux amis, ces anciens voisins de chaîne ! 0 joyeux éclats de rire! ô embrassements ! ô promesses d'être heureux l'un avec l'autre, l'un par l'autre !.. Longs dîners, fréquentes promenades, interminables tête-à -tête, jeux, musique, lectures, commérages sur Pierre et sur Paul... cela dura bien une semaine. Cérébron, tari d'enthousiasme, se hâte de montrer son caractère susceptible, hargneux, hautain. L'ami passe, le maître demeure. Qui s'en étonne? Pectorin. Pectorin dorénavant condamné à souf- frir doublement, car celui qui jadis le consolait, est maintenant l'homme qui le meurtrit. Plusieurs, ne pouvant se passer d'aimer, aiment à tort et à tra- vers. Ceux-là usent vite leur monde, ils n'auraient pas trop d'un nouvel ami par mois. D'abord, tout est flamme. Ils s'épanchent tant qu'ils peuvent. Leur effusion épuisée, ils bâillent, se plaignent, se fâchent, et s'en vont. La tempête fortifie le chêne, et l'épreuve corrobore l'amitié. * Puisqu'en vous possédant, l'on possède tout, n'eût-on rien autre, et qu'en ne vous possédant pas, l'on n'a rien, eût-on tout