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A NOTRE EPOQUE 5I
nuellement devant lui de splendides horizons ? des couchers
de soleil sous d'imposants nuages ? des lacs, des forêts,
d'admirables accidents de terrain qu'il découvre à chaque
détour de la vallée? n'a-t-il pas le bruissement du ruisseau,
le chant des petits oiseaux, la vue des lourds ruminants
qui, le soir rentrent, en mugissant, à l'étable, le tintement
de la cloche du village et l'appel au repos ?
L'artiste, avons-nous dit, ne couche pas dans des draps
de batiste, mais les draps sentent la pomme reinette et la
marche de la journée lui donne un sommeil comme on
n'en goûte pas à la. ville.
Et puis, comme on les aime, ces vagabonds de l'art !
leurs œuvres séduisent la foule et ils le savent bien, car
plus d'un a battu monnaie en reproduisant plusieurs fois et
sans variante le même bout de rocher prenant un bain de
pied dans une flaque d'eau, ou un chemin en zig-zag ter-
miné par un soupçon de buisson, ou encore un petit sous
bois éclairé d'un rayon de soleil.
Et pourquoi celui-ci eût-il fait autre chose, puisqu'il
trouvait des admirateurs? pourquoi s'évertuer à de grands
effets ou à de vastes toiles puisqu'il rencontrait des ache-
teurs ?
Et cependant, peut-être faudra-t-il revenir, avant peu,
au travail sérieux. On se lasse de tout et on s'aperçoit déjÃ
que nous sommes loin des maîtres anciens pour l'ordon-
nance, la composition, les belles lignes et les grands effets.
Nos modernes y arriveront aussi, je l'espère. Ils ont de
la sève, de la couleur, infiniment d'esprit dans la touche ;
rendons-leur justice : dans l'étude de l'air et de la lumière,
on respire mieux que dans les paysages des anciens maîtres.
Avec un peu plus de ténacité dans le travail, un peu plus de
dessin, il faudra bien, le public aidant, qu'ils délaissent et
dédaignent les humbles motifs qui les charment aujour-