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DEUX MOIS EN ESPAGNE 41 « Maroc, comme témoignage de leur éclatante victoire, « quant au reste du corps, enveloppé dans du linge bien « fin, il fut remis aux Castillans pour lui donner la sépul- « ture. Ce fut une reconnaissance du précédent procédé, « car les têtes des chevaliers les plus distingués restés sur « le champ de bataille, furent tout simplement suspendues « sur les plus hautes tours de Calalrava. » Ce lambeau d'histoire peint admirablement la cour de Castille de cette époque, et les cœurs se reposent avec plaisir, sur cet échange de procédés entre des ennemis irré- conciliables. On aime aussi à voir ces sauvages hidalgos de Castille, se formant, au contact des Arabes, à la galanterie envers les dames, et s'initiant enfin aux procédés les plus délicats de la fine civilisation des émirs. Je me hâtai de quitter Tolède, car le train partait pour Arranguez et je ne voulais pas revenir en France, sans avoir vu le Fontainebleau de l'Espagne. L'intérieur de ce palais ne vaut, dit-on, guère la peine d'être visité et je m'en dis- pensai avec plaisir. Il faut traverser la grande place derrière le palais pour arriver aux jardins qui sont ce qu'on y ad- mire le plus. En effet, leur position est charmante ; le Tage, entouré d'arbres énormes, fait un coude et une cascade vis-à -vis d'eux, et ses eaux disséminées dans une masse de conduits remplissent ses allées de jets d'eaux, de gerbes et de fontaines de marbre décorées de statues; mais il faut se hâter d'ajouter que le fleuve n'est encore, à Arranguez, qu'une petite rivière qui passerait bien au large sous deux arches de pont, bien qu'on l'ait étalé autant que possible ; mais on n'a pu remédier à la couleur de ses eaux, qui, ce jour-là , étaient d'un rouge de brique, ce qui faisait une étrange disparate avec les bassins d'albâtre et de paros qui les présentaient au public. Le charmant jardin appelé Vile, parce que du côté opposé au Tage il est entouré par la pe-