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312 pour le rendre à lui-môme, et l'avertissent de se replacer volontairement sous l'influence des lois de la création divine; cette époque intermédiaire, en tant qu'elle est douée du sen-^ timent de l'infini, a aussi une poésie qui lui est propre. En effet, Aristote compte les dialogues de Platon au nombre des ouvrages épiques; et, parmi les modernes, le Dante a donné l'exemple d'une épopée sublime , dont le dogme fournit la fable et presque tous les ressorts. Homère, Socrate, Virgile, voilà donc les trois termes essentiels de la progression histo- rique de la poésie. Quoique les nations modernes soient loin d'avoir achevé leur carrière, on peut néanmoins essayer d'en- fermer leur développement dans le même cycle. Chez elles on trouvera l'analogue du premier terme dans les poésies po- pulaires et primitives des races indo-germaniques, celui du second dans les théologiens du moyen-âge et dans les philo- sophes de la Renaissance, celui du troisième dans Rousseau et dans les grands poètes naturalistes que la France, l'Allema- gne et l'Angleterre ont vu briller après sa mort. Les formules d'Aristote, dont la théorie esthétique est, à ce qu'il me semble, la plus élevée et la plus solide qu'on ait encore établie, me serviront à présenter ma pensée d'une ma- nière plus précise et plus rigoureuse. La philosophie qui contemple l'universel en lui-même est la plus haute poésie que l'espèce humaine puisse concevoir; mais, par cela même que cette poésie considère l'universel sans voiles, elle n'est ac- cessible qu'à un petit nombre d'esprits. La foule quia l'habi- tude de tout juger par les sens, ne comprend guère l'art que sous les formes du particulier ; aussi a-t-elle toujours réservé les faveurs de la popularité pour les poètes qui ont su lui présen- ter, sous ce déguisement indispensable à sa faiblesse, l'univer- sel qui est le fond éternel et identique de la poésie. Pour suivre le mouvement de son esprit et pour mériter son admi- ration, il faut donc lui montrer l'universel, durant la pre-