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205 cessoire obligé du plus beau jour de sa vie ; je veux dire de la plus belle nuit ! — Encore un fameux farceur, votre H e r n a n i , s'écria l'artiste ; j'aime mieux Robert Macaire , cependant. C'est plus amusant. — L'autre interlocuteur ne s'interrompit point : Ma foi, dit-il, s'il est v r a i , comme le prétend Milton^ qu'un livre est la substance même de l'esprit qui l'a produit, réduite et e m - baumée pour lui survivre , que diable va penser de nos esprits la postérité qui visitera nos nécropolis littéraires ? Ne dirait-on pas que tout l'art actuel consiste à prendre en masse les mauvaises passions de la nature humaine, à les placer comme des grains de diverses couleurs dans la boîte d'un kaléidoscope, à tourner et retourner l'instrument, en ayant soin de copier le plus fidè- lement possible les mille combinaisons de son jeu? Ah ! les jolis dessins que vous allez obtenir avec ce système-là ? Aimez-vous 1'adullère? on en amis partout. Cet inceste est, ma foi, du plus merveilleux goût ! Savez-vous ce qui résultera de tout cela ? — Hélas ! soupira l'ab- bé , au train dont vont les choses , nous p o u m o n s bien revoir le temps où les femmes les plus nobles et les plus pures faisaient leurs délices des jeux du Cirque etdes spectacles, tels qu'Hercule sur le ,Mont-OEta, ou Prométhée sur le Mont-Caucase, dans les- quels un criminel condamné à m o r t , jouait le principal rôle et donnait à la représentation une épouvantable vérité. — Oh! pour le c o u p , répondit le peintre , ce serait un lier progrès ! le bour- reau serait pensionnaire du Théâtre Français et comédien du roi... Nous pourrions bien voir ç a , comme vous d i t e s . — N o u s n'en viendrons point l à , tout au contraire , reprit notre français, m o n opinion e s t , qu'avant très-peu de temps nous serons de retour aux pastorales floquetées , voire même aux bouquets à Chloris. En littérature comme en hygiène, après une inflammation, la diète blanche et l'eau tiède ; c'est la règle. J'aurais eu bien des choses à objecter à tout c e l a , moi qui crois avec un écrivain de mes amis, que nous marchons à une régéné- ration complète ; que la nuit du tombeau n'est plus devant nous , mais derrière; que la nuit du t o m b e a u , c'est l'époque qui s'en va, c'est ce siècle où tout est venu s'engloutir et dont rien n'est sorti ; ce siècle insulteur, haineux et l â c h e , ignorant et menteur , qui