Le comte de Choiseul comme guide

Voyage pittoresque en Grèce en compagnie d'un noble français du XVIIIe siècle

Je joins à ce post-scriptum deux projets de souscription, dont celui du Voyage pittoresque de toute la Grèce me paraît mériter l'attention de Sa Majesté Impériale. C'est un jeune Monsieur de Choiseul qui a fait ce voyage, avec une ardeur digne de son âge et une passion pour les arts peu commune dans les gens de sa classe.
Dans la lettre qu'il adresse le 22 avril 1778 à Catherine II de Russie, le baron de Grimm évoque la nouveauté littéraire dont parle tout Paris : le compte-rendu de son voyage au pays d'Homère, que va publier Marie-Gabriel-Florent-Auguste, comte de Choiseul-Gouffier. Un ouvrage superbement illustré, qui fera date dans l'histoire du genre [note]Bibliothèque municipale de Lyon, 5231 (toutes les citations du texte en respectent l'orthographe).. La famille des Choiseul vient du Barrois et sa fortune est assurée par Madame de Pompadour. C'est cette dernière qui, alors que la Guerre de Sept ans a éclaté, fait donner à Etienne-François de Choiseul le portefeuille des Affaires étrangères, où il succède au cardinal de Bernis en 1758. Devenu duc, il est le personnage le plus important de la cour, tandis que sa femme, Louise Honorine Crozat du Châtel, tient un des plus brillants salons des Lumières. Mais le duc de Choiseul, partisan de l'alliance autrichienne, perd son crédit politique après la disparition de la Pompadour : la Du Barry, nouvelle favorite, obtient sa destitution et son exil dans sa terre de Chanteloup, près d'Amboise (1770). Une petite cour suit l'exilé, qui passe pour la double victime des jésuites et de la favorite.

Portrait du comte de Choiseul-Gouffier, par M. F. Dien d'après Boilly. Frontispice au volume 2 (2ème partie) du Voyage pittoresque de la Grèce

Autour du duc, c'est toute une dynastie qui s'est introduite dans les rouages les plus élevés de l'Etat : un cousin, Choiseul-Praslin (secrétaire d'État à la Marine), mais aussi Choiseul-La Baume (lieutenant général en Champagne), l'abbé de Choiseul-Stainville (archevêque de Cambrai), l'abbé de Choiseul-Beaupré (cardinal-archevêque de Besançon), et plusieurs autres. Fortune encore accrue lorsque la famille de Choiseul revient en grâce après la disparition de Louis XV (1774), plus encore avec la montée sur le trône de Marie-Antoinette.

Le jeune Marie-Gabriel de Choiseul descend quant à lui d'une branche parallèle. Son père a épousé la fille d'un fermier-général. Né à Paris en 1752, il fait ses études au collège d'Harcourt, où sont accueillis les fils de la plus haute aristocratie du royaume. Familier de la cour, il est introduit dans l'entourage le plus proche de Marie-Antoinette, épouse en 1771 Marie de Gouffier d'Heylli, dernière héritière de la famille de Gouffier. D'abord destiné à une carrière militaire, il s'oriente cependant très vite vers l'étude de l'Antiquité, sans doute sous l'influence de l'abbé Barthélemy [note]Ecrivain, orientaliste, directeur du cabinet des Médailles, ami des Choiseul, l'abbé Jean-Jacques Barthélemy publia en 1788 le Voyage du jeune Anacharsis en Grèce..., ouvrage érudit qui connut un succès considérable. . Le projet d'un voyage en Grèce naît bientôt.

Le départ se fait à Toulon, fin mars 1776 (Choiseul-Gouffier n'a que vingt-quatre ans), à bord de L'Atalante, frégate en charge d'une mission de cartographie dans les îles. La frégate transite par la Sardaigne, la Sicile et Malte, pour finir par aborder en rade de Coron. La frégate gagne L'Argentière, d'où Choiseul et ses compagnons visitent Milo dans un petit bateau de louage. Selon les intérêts des navigateurs et les caprices du vent, on passe d'île en île avant d'arriver à Smyrne, à nouveau à bord d'une « frégate du Roi ». De là, Choiseul parcourt l'Asie mineure, d'abord par la côte vers le Sud, sur un « vaisseau françois » qu'il a loué, puis, remontant vers le Nord par terre, il passe les Dardanelles, et séjourne longuement à Constantinople. Le retour se fait d'abord par mer, directement sur Athènes, puis par terre : Choiseul visite Argos et Olympie, gagne les îles Ioniennes, puis remonte vers le Nord. Il voit le Parnasse, visite Salonique et s'enfonce en Macédoine par les défilés du Vardar. Enfin, ce sont la Bosnie et les Echelles vénitiennes.

Vue du Bourg San-Nicolo (pl. 15) dess. par J.B. Hilair, grav. par David Moseder

L'ensemble du périple dure environ deux ans. Derrière Choiseul apparaît en arrière-plan un groupe de savants et d'artistes, pour lesquels la Grèce et le voyage en Grèce sont investis d'une signification particulière. La figure principale est, à Paris, celle de l'abbé Barthélemy. Puis on trouve les trois compagnons les plus proches de Choiseul, qui le suivent sur L'Atalante : l'architecte Foucherot (un des objectifs essentiels du voyage réside dans l'étude des monuments antiques), le dessinateur Hillaire [note]Originaire de Lorraine, élève de Clérisseau, Jean-Baptiste Hillaire contribuera largement à l'illustration, à partir de 1787, du monumental Tableau général de l'Empire othoman sic] d'Ignace de Mouradja d'Ohsson. et l'ingénieur Kauffer. D'autres savants et artistes se rapprocheront de Choiseul, ou le rencontreront, après son retour en France ou à la suite de son départ pour l'ambassade de Constantinople : on citera l'abbé-poète Jacques Delille, mais aussi le peintre Antoine-Ignace Melling [note]Antoine-Ignace Melling (1763-1831) séjourne en Egypte, à Smyrne et à Constantinople. Il publiera en 1807 un Voyage pittoresque de Constantinople et des rives du Bosphore., ou encore l'abbé Guillaume Martin, aumônier de la Marine [note]Il est l'auteur d'un Voyage à Constantinople fait à l'occasion de l'ambassade de M. le comte de Choiseul-Gouffier à la Porte Ottomane, par un ancien aumônier de la marine royale, paru en 1821.. Louis-François Cassas, le type même du dessinateur voyageur selon l'historien Werner Szambien, s'opposera plus tard à son ancien protecteur et publiera un Voyage pittoresque de la Syrie, de la Phénicie, de la Palestine et de la Basse-Egypte.

Plaisir, dangers et dépaysement

On connaît l'importance du voyage et de la relation de voyages dans la bibliographie et dans la construction de la pensée scientifique et politique des Lumières, dans les vingt volumes de la monumentale Histoire des voyages de l'abbé Prévost (1745-1770), les quarante-deux volumes du Voyageur françois de l'abbé de La Porte (1765-1795), ou les soixante-douze volumes de la Bibliothèque géographique et instructive des jeunes gens, ou Recueil de voyages intéressants, de Breton de la Martinière (1802-1807).

Le terme de « voyage pittoresque » renouvelle cependant, dans une large mesure, l'acception classique. Le voyage n'est plus seulement de formation et d'information, avec les développements d'une sentimentalité plus affirmée, il devient de plaisir et tend vers le voyage « pour soi » qui sera celui des Romantiques en musique (Schubert) comme en littérature (Baudelaire). Enfin, il se déroule dans un milieu plus ou moins surprenant et présente parfois de réels dangers. Les dangers de la route de terre, entre Salonique et l'Adriatique, la navigation hasardeuse en Egée : lorsque les voyageurs viennent d'abandonner L'Atalante, c'est pour une barque et un équipage dont les qualités nautiques paraissent bien médiocres. Le danger est également présent, lorsqu'il s'agit de débarquer dans certaines îles, comme par exemple Lemnos [note]Deux de mes compagnons de voyage, que j'envoyai à Lemnos, furent au moment de périr en y abordant, & se trouvèrent dans l'impossibilité de parcourir l'intérieur de l'île. (I, 79) , mais aussi par suite des insectes (« un supplice insupportable »), de la chaleur (en Asie mineure, on se met en route de nuit pour lui échapper), des maladies [note]A Lesbos, Choiseul ne reste que quelques jours et ne peut visiter l'île : N'y étant resté que deux jours, je n'ai pu en connaître l'intérieur, & le peu de momens que j'y ai passés fut employé à des soins pénibles. Je venois alors de Pergame, & je m'efforçois de conduire à Smyrne mes compagnons, tombés malades tous à la fois, avec les symptômes les plus effrayans... (I, 83), voire des guides [note]I, 185 : les compagnons indigènes de Choiseul le volent et se querellent, le médecin arabe qui s'est joint au petit groupe l'abandonne de crainte d'être assassiné par eux., etc.

Vue intérieure d'un Khan ou Kiarvanséraï (pl.7) dess. par J.B. Hilair, grav. par Dambrun

Le pittoresque, c'est aussi le dépaysement. Choiseul cherche à en faire percevoir la dimension à travers le choix de ses illustrations : les hommes, d'abord, avec des silhouettes souvent à l'avant-plan de l'image (les pêcheurs de Tinos et de San Nicolo, les commerçants, marins et portefaix de Rhodes), mais qui en constituent plus rarement le sujet principal. Il en sera de même avec la découverte d'une caravane, sur la côte d'Asie mineure, ou encore avec la Vue de l'intérieur d'un Khan ou Kiarvanséraï (II, 7). Mais les paysages aussi se trouvent tout naturellement au coeur même du pittoresque recherché par l'auteur. Choiseul soigne particulièrement la disposition scénique de vues, comme, par exemple, à Syra. Tinos évoque les vedute de la lagune vénitienne, avec le bourg, dominé par son campanile et jaillissant comme porté sur les eaux. L'effet de pluie accentue l'impression de fraîcheur. En arrière-plan, une silhouette de volcan rappelle évidemment les vues de Naples, et l'auteur explicite l'ambiance italienne lorsqu'il précise que la citadelle a été construite par les Vénitiens. Le thème de la destruction, des ruines et de la mort est présent à travers les nombreuses images de tombeaux, mis en scène à la manière de fabriques arcadiennes (le tombeau dans l'île de Siphantos) ou plus monumentaux (le tombeau près de Mylasa, avec tous les éléments constitutifs de l'exotisme oriental : personnages assis en tailleur, caravane, silhouette de la ville surmontée de ses minarets).

Le récit de Choiseul combine en fait des perspectives que l'on pourrait croire contradictoires. D'une part, le texte et son illustration revendiquent une objectivité certaine, le livre doit fonctionner comme le miroir de ce qu'a vu ou vécu le voyageur : il s'agit de proposer une documentation précise sur une géographie alors mal connue mais, si l'on privilégie le regard de l' « antiquaire », le temps n'est plus au seul inventaire plus ou moins exhaustif, et le spectacle est donné aussi à voir à travers le regard et la sensibilité du voyageur. L'auteur le dit lui-même, il veut tâcher de faire voyager le lecteur avec [lui], de lui faire voir tout ce que j'ai vu, de le placer dans l'endroit où j'étois moi-même lorsque je faisois chaque dessin.

Enquête ethnographique

Un troisième volet constitutif du pittoresque réside dans la perspective ethnographique de l'enquête. Alors qu'il approche de la côte d'Asie, Choiseul débarque à Chios et propose une Vue de la fontaine de Scio dans laquelle on ne peut qu'être frappé par la présence improbable de toutes sortes d'éléments architecturaux (le kiosque en tulipe) et de personnages destinés à donner l'image d'une turquerie. Les danses, plus encore les « fêtes turques » ou la scène de la rencontre avec le médecin arabe répondent au même schéma : le médecin, qui prétend avoir suivi des cours à Padoue, soigne toutes les maladies qu'on lui soumet avec de la rhubarbe, de sorte que Choiseul, qui dispose d'une pharmacie et de connaissances un peu plus étendues, ne tarde pas à être assailli par les innombrables sollicitations dont il est l'objet de la part des malades, au point de devoir mettre l'obscurité à profit pour s'échapper [note]A la faveur de la nuit, je me dérobais aux embarras de ma réputation, & au danger plus instant de la perdre. (I, 134). Mentionnons aussi certaines illustrations qui se rapprochent plus de la scène de genre, dont la plus intéressante est la planche représentant en scène les Dames de l'île de Tiné.

Mais le « voyage pittoresque » désigne aussi, désormais, l'ouvrage même qui le relate et dont la spécificité principale réside dans la dimension bibliophilique : d'où le choix du format in-folio, l'attention donnée à la typographie (un caractère Didot néo-classique [note] En 1782, Didot donne une édition des Peintures antiques de Bartoli, reproduisant les fresques d'Herculanum.) et à la décoration, et surtout le grand nombre de gravures, par le biais desquelles on rejoint l'étymologie même de l'épithète (« digne d'être peint »). Il s'agit à la fois d'informer le lecteur ou le spectateur - d'où la précision du dessin, la présence de plans et de coupes de bâtiments - et de parler à son émotion. Au début du deuxième volume, l'auteur revient sur la difficulté de son projet éditorial : la forme de cet ouvrage n'annonçoit que le porte-feuille d'un voyageur, un simple recueil de cartes et de dessins, auxquels devaient être jointes de courtes explications réclamées par la célébrité des lieux : il ne falloit pas de grands efforts pour atteindre un tel but ; mais il en falloit pour ne pas le dépasser : à peine en effet eus-je commencé mon ouvrage que je fus entraîné hors des limites que j'avois eu la sagesse de me prescrire. Je ne sus pas résister longtemps au désir si naturel de communiquer du moins une partie des sensations que je venois d'éprouver.

« Communiquer des sensations » : nul doute que l'expression ne recouvre l'essentiel du projet « pittoresque », et ne trouve son mode privilégié d'application dans l'image. La place donnée à l'illustration suppose de se faire accompagner d'un ou de plusieurs artistes, selon une tradition anciennement fondée par Breydenbach et son Voyage en Terre Sainte, paru en 1486.

En Grèce, c'est d'abord Choiseul lui-même qui dessine : lorsqu'il suivait des études à Paris, il ne se distinguait certes pas par son excellence, si ce n'est, selon Dacier, pour la culture des arts du dessin, auxquels il consacrait constamment la plus grande partie de son temps. L'un des premiers et des principaux voyages pittoresques est, dans cette acception, celui publié de 1781 à 1786, par l'abbé de Saint-Nom sous le titre de Voyage pittoresque, ou Description du royaume de Naples et de la Sicile. Melling, après son Voyage pittoresque de Constantinople..., donnera un Voyage pittoresque dans les Pyrénées françaises (1825-1830), et, bien entendu, le genre culminera avec les superbes Voyages pittoresques et romantiques dans l'ancienne France, parus chez Firmin Didot, en 14 volumes, de 1820 à 1878.

Une pléiade de graveurs

Le Voyage pittoresque de la Grèce est annoncé à Paris au printemps 1778, et la curiosité du public est très grande. Choiseul-Gouffier charge le jeune Barbié du Bocage [note]Jean Denis Barbié du Bocage (1760-1825). Choiseul écrit : Il restoit cependant quelques difficultés que je n'aurois pu résoudre, sans les secours de quelqu'un de plus versé que moi dans l'étude de la géographie ancienne. M. Barbié, élève de M. d'Anville & digne d'un tel maître, a bien voulu concourir à la perfection de cette carte... du classement et de la préparation des matériaux, et de la révision des cartes. L'ouvrage commence à paraître en livraisons contenant chacune texte et estampes (en général sept ou huit feuilles, les planches étant présentées à deux par page). On avait prévu vingt-quatre livraisons, constituant deux volumes, le premier sur les Cyclades et l'Asie mineure, le second sur Constantinople et la Grèce continentale. Le premier volume n'est achevé qu'après quatre ans, en 1782. Une pléiade de graveurs a été recrutée, pour le burin et pour l'eau-forte : Moreau le Jeune, Varin, Choffard, Liénard, Tilliard, Perrier, Moseder, Mathieu, Decquevauvillier, Delignon, Dambrun, Sellier, Berthaut, Guttenberg, Weisbrod, Aliamet, Poulleau, Duclos, Queverdo, Le Mire, Marillier, Valperga, Cosseti, outre les graveurs de lettres. Pour tenir les délais de la publication, il a fallu faire appel à un grand nombre d'artistes, sans s'arrêter aux frais considérables qui ont dû être engagés. L'"Avis au relieur" nous apprend que la livraison est vendue au prix de 12 livres - une somme rien moins que négligeable - et que les souscriptions ont été passées chez Tilliard, quai des Augustins.

Ouvrons le volume. L'avant-titre, au dispositif néo-classique, joue sur les seules oppositions de caractères, puis le titre à frontispice, entièrement gravé, constitue une déclaration d'intentions explicitée au feuillet suivant : La Grèce, sous la figure d'une femme chargée de fers, est entourée de monumens funèbres élevés en l'honneur des grands Hommes de la Grèce qui se sont dévoués pour sa liberté [...]. Elle est appuyée sur le tombeau de Léonidas [...]. La Grèce semble évoquer les mânes de ces grands Hommes, & sur le rocher voisin sont écrits ces mots, Exoriare aliquis... (cf. illustration p. xx)

Page de titre du Voyage pittoresque de la Grèce Paris, s.n., 1782

Le sommaire est suivi du Discours préliminaire, sous un très élégant bandeau reprenant une frise sculptée d'Ephèse (Hector traîné derrière le char d'Achille), puis de deux cartes non signées de la Grèce ancienne et moderne. Le miroir de l'une à l'autre est comme le miroir du livre, du voyageur et du lecteur : le voyage dans l'espace recouvre parallèlement un voyage dans le temps. Le cartouche de titre et son encadrement rocaille sont d'une grande élégance, tandis que la juxtaposition de multiples échelles témoigne de la précision scientifique du travail. Le Voyage lui-même est introduit par un cuivre de Choffard, d'après Monnet, évoquant les événements de Coron. Dans le corps du volume, on rencontre d'autres culs-de-lampe, décorés de médailles et d'éléments ou de personnages antiquisants que Choiseul commente dans son texte : l'auteur a collaboré directement et très étroitement à la réalisation du volume, dont il apparaît comme le maître d'oeuvre. Et au fil des chapitres, le lecteur est invité à suivre la progression même du petit groupe : on descend vers le cap Matapan, et on passe d'île en île vers l'Asie mineure et vers Smyrne.

L'élément nouveau du Voyage réside bien sûr dans la place centrale donnée à l'illustration et au rapport direct entre le texte et l'image. Le livre lui-même constitue un tout, et le style adopte l'apparence d'un échange familier qui facilite le passage du texte à l'image comme si Choiseul présentait des curiosités ou des collections d'antiquités au lecteur. Le discours obéit aux règles de la sociabilité du temps, tout comme l'illustration : il faut être agréable, sans tomber dans le pédant ni dans l'ennuyeux.

L'illustration comme source d'information

Plusieurs lectures du Voyage sont possibles, qui témoignent à la fois des curiosités de l'auteur et de l'affirmation d'un esprit scientifique moderne, attentif à fonder son travail sur l'observation directe. L'ordre du discours n'est aléatoire qu'en apparence et, derrière le projet proclamé d'illustrer le voyage par une suite d'images commentées et de concentrer l'attention sur l'archéologie ancienne, une autre logique se dévoile au fil des pages. D'une étape à l'autre, Choiseul met l'accent sur tel ou tel point qui lui paraît important : la géologie dans cette île, ailleurs, les danses du pays... Il s'agit de donner au lecteur un tableau le plus complet possible des pays traversés. Dans le même temps, il propose implicitement une science générale de l'homme, une manière de « philosophie » mise en pratique par l'observation de la Grèce.

Le texte se présente sur colonnes, avec des notes, relativement brèves, en bas de page. Celles-ci, pourtant, assurent le statut scientifique du discours, à travers des jeux de références bibliographiques témoignant de l'érudition du voyageur. Du côté des classiques, Choiseul est familier d'un très grand nombre d'auteurs, Pausanias et Strabon, mais aussi Pline, Hérodote, Plutarque, etc. Les notes sur une édition particulière sont rares, mais Choiseul signale la « superbe édition » de Longus par Villoison (1778), et la traduction de Xénophon par Dacier (1777). Du côté des modernes, le comte a pratiqué la plupart de ses prédécesseurs, qu'il s'agisse de Spon, Thévenot, Pococke, Chardin, Tournefort, des Missions du Levant, des différents ouvrages de Chandler, etc. L'Histoire de l'Académie des sciences, la Gazette de France, les Mémoires de littérature et ceux de l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres, voire le Dictionnaire de Bayle, lui fournissent matière à réflexion par leurs articles sur tel ou tel sujet. Enfin, il dispose également d'ouvrages d'histoire plus générale (par exemple sur la République de Venise), et de traités d'histoire antique, d'histoire de l'art ou d'architecture, parmi lesquels notamment l'Antiquité expliquée de Dom Bernard de Montfaucon.

Discours préliminaire, bandeau représentant un bas relief sur une porte à Ephèse Hector trainé derrière le char d'Achille

Le Voyage pittoresque est bien un voyage scientifique dont l'illustration, outre l'agrément qu'elle apporte, remplit une fonction d'information. Même s'il n'est pas technicien de la géographie, Choiseul souligne à plusieurs reprises l'attention qu'il donne à la topographie et à la cartographie. A Rhodes encore, il commence à lever le plan de la ville, mais doit abandonner son travail par suite de l'hostilité croissante de la foule (I, 111). Dans le même temps, le voyageur est attentif à la géographie et aux domaines connexes, comme la géologie et les phénomènes volcaniques à Santorin. Le comte visite l'île pour recueillir des « échantillons de rochers », il est reçu par l'évêque catholique et ses soeurs, et c'est le diacre qui le conduit à mulet en excursion.

Bien entendu, le souci de la précision et de l'exactitude transparaît tout particulièrement dans le domaine de l'architecture et de l'archéologie, qu'il s'agisse de la vue ou du plan de tel ou tel monument ou de la carte d'une région particulièrement importante. L'archéologie est omniprésente, le dessin proprement dit laisse ici le plus souvent la place à la levée de plans et de détails architecturaux : on sait par ailleurs que Choiseul constitue au cours de son voyage et de ses séjours successifs une collection très importante d'originaux et de moulages. [note]Certaines pièces de Choiseul sont conservées en Angleterre (le moulage de l' « Apollon de Choiseul-Gouffier » au British Museum), mais l'essentiel se trouve aujourd'hui rassemblé au Musée des moulages à la Petite Écurie du château de Versailles (dont des moulages des frises du Parthénon, pris sur la demande de l'ambassadeur de France à Constantinople avant le déplacement des originaux par Lord Elgin et leur transport à Londres). Certains originaux ont d'ailleurs disparu et ne sont plus connus que par leurs moulages. On ne peut, en revanche, que souligner l'absence à peu près complète de références à l'époque de Byzance.

A côté de la cartographie et de l'archéologie, l'auteur est également sensible aux problèmes de la politique contemporaine. Le futur ambassadeur perce sous le voyageur : dès Coron, le voici qui décrit les suites de l'intervention russe et développe des remarques sur la situation de la Grèce. Plus loin, il souligne la disposition favorable de telle rade, comme le port de Saint-Antoine spacieux, & [qui] pourroit être utile à une escadre qui, occupant l'archipel, voudroit inquiéter les Dardannelles & intercepter les communications de Constantinople... (I, 81)

L'économie devient économie politique quand la rencontre d'une caravane en arrière de la côte d'Asie mineure lui donne l'occasion de souligner le lien entre inorganisation administrative (ou, selon la formule du XVIIIe siècle, absence de « police ») et retard économique. Pour ne pas quitter le domaine politique, Choiseul apparaît comme un lecteur de Montesquieu, quand il s'interroge sur les causes de la grandeur ancienne de la Grèce et de sa décadence présente, et les rapporte à un double étalon moral et politique. Si les Grecs sont « vils », c'est par suite d'un système politique qui les a privés de liberté, dès l'occupation romaine, puis sous l'empire de Byzance, et plus encore sous les Ottomans.

Dernier champ principal, après ceux de la cartographie et de la géographie, de l'archéologie et de la politique : plusieurs passages permettent de juger du talent de Choiseul comme observateur et ethnologue, voire folkloriste, dans une perspective qui rejoint quasiment l'anthropologie. Bien entendu, l'historien du livre s'arrêtera plus volontiers sur les Dames de l'île de Tiné (Tinos), plongées dans la lecture (pl. 26). Le commentaire développe l'idée du bon gouvernement des Lumières, en articulant économie, morale et politique. C'est la richesse et l'activité du pays qui y répandent une aisance générale et une sorte d'égalité qui, sans confondre les classes des citoyens, empêchent les uns de se corrompre et les autres de s'avilir.... Enfin, Choiseul fait oeuvre d'ethnologue, attentif aux coutumes du pays, à la mode, aux danses, même s'il juge parfois en fonction des catégories d'un Occidental chrétien. A l'Argentière, l'habillement des femmes de cette île peut à peine se concevoir par l'excès de son ridicule. C'est une masse énorme de linge, toujours fort sale ; leur jupon, qui n'est qu'une chemise très courte et brodée de rouge, laisse voir toutes leurs jambes, dont l'extrême grosseur fait à leurs yeux la plus grande beauté. Celles à qui la Nature a refusé cet agrément tâchent d'y suppléer par trois ou quatre paires de bas bien épais.

Nous touchons enfin encore à la politique, avec les jugements suscités par la confrontation avec d'autres civilisations. Le Turc est toujours présenté comme un être non civilisé, auquel il faut porter la philosophie, cette science générale de l'homme garantissant l'assise du « bon Gouvernement » : quoique je n'eusse pas une haute idée des spectacles turcs, j'étois cependant bien loin de soupçonner le genre de celui qui m'attendait. [Musique] la plus aigre et la plus discordante, [puis] une espèce de farce, d'une obscénité [...] révoltante. (I,136) Le sérieux du travail de Choiseul est reconnu par les contemporains : lorsque le libraire viennois Schalbacher donne en 1791 une nouvelle carte de la Grèce, il la présente comme préparée sur les dernières et meilleures cartes de MM. d'Anville, Choiseul-Gouffier.... De même lorsque, quelques années plus tard, paraît à Neu-Strelitz une étude de Lenz sur la plaine de la Troade, l'auteur se fonde-t-il expressément sur le Voyage de Choiseul.

Habitans [sic] de la Carie (pl. 93) dess. par J.B.Hilair, grav. par N.Le Mire

La politique entre en jeu

La publication du Voyage pittoresque est aussi, de par la qualité de son auteur, un événement mondain. Choiseul est à peine rentré en France, où on le surnomme « Le Grec » selon Madame Du Deffand, qu'il est élu à l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres.

L'examen attentif d'exemplaires conservés dans différentes bibliothèques françaises fait apparaître des variantes de texte. Il s'est surtout agi, pour l'auteur, de modérer certains de ses commentaires sur l'intervention russe et de supprimer ses appels à la libération de la Grèce. Les modifications les plus importantes touchent le Discours préliminaire, publié en 1783 et pour lequel Brunet distingue trois tirages avec des variantes de texte. Dans la première version du Discours, Choiseul appelle de ses voeux la révolution grecque que soutiendrait une nouvelle intervention russe contre les Turcs. Il faut créer un état indépendant en Morée, avec l'appui des

grandes puissances qui trouveroient un intérêt véritable à protéger cette révolution. Et peut-être ce noble et grand dessein est-il déjà conçu par Catherine II, par cette Princesse pour qui la gloire est le premier besoin, qui a porté la Philosophie sur le trône & l'a consacrée au bonheur des hommes. Peut-être cette auguste Princesse, disposant elle-même dans sa sagesse le plan de cette révolution mémorable, instruite par l'expérience d'un règne de vingt années, & même par l'inutilité de sa dernière tentative, mieux informée des obstacles et des moyens, peut-être s'apprête-t-elle à ressaisir une gloire qui semble faite pour elle, & qui ne lui a échappé que par des circonstances étrangères, dont l'influence sera détruite dès qu'elle sera prévue...
. L'auteur propose donc un système politique d'ensemble dans lequel les différents états occidentaux tireront profit de l'indépendance de la Grèce.

La publication vient d'être achevée et les exemplaires commencent d'être envoyés aux souscripteurs, quand le comte de Saint-Priest est rappelé de l'ambassade de Constantinople [note]François-Emmanuel Guignard de Saint-Priest, d'une famille d'origine lyonnaise, succède à Vergennes comme ambassadeur à Constantinople en 1768. . Choiseul, aussitôt, cherche à lui succéder, avec le soutien du parti de la reine. Il fait remettre au ministre Vergennes, un Mémoire sur l'Orient. Lorsque d'Hennin, premier commis des Affaires étrangères, lui demande en août 1783 de modifier son Discours dans un sens moins philhellène, Choiseul le rassure par courrier : je vais prendre tous les moyens de réparer mon imprudence en consacrant non pas dix mille francs, mais cent, s'il le faut, à retirer les exemplaires de mon ouvrage, et je vais vous faire remettre et brûler ce qui me reste [...]. Je puis vous assurer qu'il n'en pénétrera pas un seul dans le Levant.

Le comte prépare donc une nouvelle version du texte, moins favorable à l'indépendance des Grecs et à l'intervention russe. Le Discours est entièrement repris pour le second tirage. L'auteur se déclare désormais partisan du statu quo en Orient, dans une politique globale d'équilibre des cabinets : si les Grecs échappaient à la domination des Turcs, l'Europe ne verroit-elle pas avec inquiétude ces peuples passer sous la domination d'un autre maître ?, entendons les Russes ou les Autrichiens. En définitive, l'existence même de l'Empire ottoman est présentée comme un bien vis-à-vis des deux souverains voisins qu'on accuse de vouloir l'envahir.

Pour autant, le livre reste caractérisé, aux yeux du public, par son sentiment philhellène et son opposition aux Turcs. Lorsque, en 1788, Volney publie ses Considérations sur la guerre actuelle des Turcs, la traduction allemande de l'ouvrage, presque immédiate, est augmentée d'un passage du Voyage de Choiseul, introduit sous le titre de « Sur les Grecs modernes et leur possible libération du joug des Ottomans ».

Mais voici venue l'heure du triomphe. Alors que la publication du premier volume est à peine achevée, Choiseul est nommé ambassadeur à Constantinople, au moment même où il est élu au fauteuil de d'Alembert à l'Académie française. Lors de sa réception, en février 1784, le nouvel immortel fait l'éloge de son prédécesseur, tandis que le directeur de l'Académie, Condorcet, consacre l'essentiel de sa réponse au Voyage pittoresque de la Grèce, avant d'indiquer au nouvel ambassadeur l'orientation qu'il devra donner à sa charge et au message à faire passer auprès de la Porte. Le rôle du livre, et de ce livre emblématique qu'est l'Encyclopédie, est fondamental dans le discours que Choiseul aura à tenir au Gouvernement ottoman : c

e sont des Lumières dont vous avez besoin ; en conséquence, nous vous envoyons l'Encyclopédie, et des philosophes pour vous l'expliquer, et voilà véritablement le plus grand service que vous deviez attendre d'une amitié fidèle et courageuse [...]. Il ne s'agit que de donner [à cette vérité] la tournure la plus propre à la faire agréer aux puissances à qui l'on a quelque intérêt à le persuader...
. [note]On rencontre cependant aussi des observations désobligeantes sur l'auteur, qui aurait fait carrière grâce à sa position sociale et en exploitant le travail des autres. C'est Quérard qui se montre le plus sévère :
Avec de la fortune, en tout pays, on a toujours de l'esprit [...]. Voilà comment a été composé le Voyage pittoresque en Grèce. M. Fauvel et compagnie ont fait les dessins, auxquels M. de Choiseul-Gouffier a pris la peine de mettre son nom ; M. Jumelin a fait les fouilles, que M. de Choiseul-Gouffier a exploitées à son compte ; M. Le Chevalier a fait dans la Troade des incursions dont il a rédigé le journal, auquel M. de Choiseul a bien voulu ajouter son nom (...). On assure que la première livraison de la seconde partie, qui a paru en 1809, est l'ouvrage d'un M. Zalick-Oglu, et que ce qui en a été publié en dernier lieu a été composé par MM. Letronne et Barbié du Bocage
.

Le 4 août, Choiseul, accompagné par un petit groupe d'amis et de savants [note]La situation politique est tendue : Catherine II vient d'occuper la Crimé (Tauride). Choiseul s'efforce d'empêcher la guerre russo-turque, sans y réussir., quitte Paris pour Constantinople, où il ne perdra pas de vue ce programme. Cherchant à favoriser la circulation du livre et par suite le processus d'ouverture de la Turquie aux Lumières, il s'emploie à monter (et avec quelles difficultés !) une imprimerie au Palais de France. Sa correspondance avec Anisson, alors directeur de l'Imprimerie royale à Paris, témoigne de ses soins, en même temps que des soucis que lui cause son projet. Par ailleurs, le succès même du Voyage explique qu'il existe très tôt une contrefaçon du Discours préliminaire exécutée par la Société typographique de Kehl en 1783, mais aussi une traduction allemande du texte principal, faite par Reichardt et apparemment publiée en suivant le rythme des livraisons françaises, de 1780 à 1782.

Dernier avatar : la publication de l'ouvrage complet, qui devait comprendre deux volumes, est interrompue par le départ du comte de Choiseul à l'ambassade de Turquie. Elle sera plus encore contrariée par la Révolution et par l'émigration de son auteur à Saint-Pétersbourg. A Constantinople, Choiseul poursuit d'abord ses travaux dans la ville même, sur les détroits et en Troade, tout en restant en correspondance avec des savants parisiens, et avec comme objectif la poursuite de la publication du Voyage. En réponse à certaines accusations (les passages contestés du premier Discours préliminaire ont été traduits et présentés au grand vizir), il aurait en outre fait préparer des cartons sur l'imprimerie de l'ambassade. Il peut ainsi présenter au Divan un exemplaire cartonné de son texte, dans lequel un certain nombre de passages sont corrigés, et prétendre que les autres exemplaires circulant en Europe sont contrefaits. Le deuxième volume ne sera en définitive publié qu'en deux temps, le début en 1809, la fin, de manière posthume, en 1822. Pour la première partie (1809), Foucherot déclare, dès 1793, qu'il a déjà investi lui-même pour la préparation de l'édition. Le dernier volume (t. II, 2e part.), dont les droits ont été rachetés par l'éditeur Blaise, n'est que partiellement de Choiseul, et s'ouvre par le portrait et la biographie de l'auteur. Le voyage imprimé se termine, entre la plaine de Troie, Constantinople et les détroits.

Enfin, une nouvelle édition de l'ensemble sera donnée à Paris en 1842, tandis qu'une contrefaçon est publiée à Bruxelles la même année.

Epilogue

En 1791, Choiseul-Gouffier refuse de rentrer en France, alors qu'on lui propose les ambassades de Rome ou de Londres. Après la journée du 10 août 1792, il considère sa mission comme terminée : tandis que ses papiers et ses biens sont saisis en France, il quitte Constantinople pour Saint- Pétersbourg, où il est nommé par Catherine II à la tête de l'Académie et de la Bibliothèque impériales. Son fils, Antoine-Louis-Victor épousera la richissime comtesse Potocka. Rentré en France en 1802, Choiseul ne retrouvera un certain rôle politique qu'avec la Restauration, lorsque Louis XVIII le nommera pair de France et membre du Conseil privé. Il décédera à Aix-la-Chapelle en 1817.

Même si bien d'autres questions pourraient être posées, le Voyage pittoresque marque une date dans l'histoire de l'image de la Grèce en Europe à la fin de l'Ancien Régime. Sa publication manifeste avec éclat la redécouverte d'une Grèce jusque-là idéalisée, et que le périple de Choiseul permet de confronter plus directement avec la Grèce « réelle » et la situation géopolitique du temps. Le paradigme grec, ouvert avec la chute de Byzance, est alors près de se refermer, sur la conjoncture complètement différente qui sera celle des nationalités.

La dimension politique est au coeur du discours du philosophe et du réformateur Choiseul. Si on réussissait à réformer l'Empire ottoman, la fortune de la Grèce et de l'Europe orientale serait faite, et le progrès des Lumières assuré une solution également favorable à Vienne, qui trouverait un débouché vers l'Adriatique et la Mer Noire.

Pourtant, le temps n'est plus à la « douceur » des Lumières, mais à la problématique plus immédiate de la démocratie politique et des nationalités : l'ambassadeur échouera, autant face à l'inertie du gouvernement ottoman que pris de court par les événements parisiens. Enfin, l'ouvrage de Choiseul marque également un des sommets de la production graphique en France dans les années 1780, et son influence est certaine sur le plan de l'esthétique en général (les monuments et l'art de l'Antiquité) comme sur celui des « arts du livre » en particulier : Choiseul ouvre la somptueuse série des autres voyages pittoresques, qui se prolongera jusqu'à l'époque romantique : des livres où, toujours, l'accent est mis sur l'image, par rapport à laquelle le texte ne se construit que comme un commentaire. Le voyage des Lumières fait se rejoindre projet scientifique et objectif politique : après Choiseul, le projet se prolongera en s'institutionnalisant, qu'il s'agisse de la monumentale Description de l'Egypte, ou, en Grèce encore, de l'Expédition de Morée. Dans le même temps, les touristes se font progressivement plus nombreux vers la Grèce et le Levant, le Guide se substitue au Voyage pittoresque, et en 1807, l'Allemand Bartholdy se fait l'écho de ces transformations dans son Voyage en Grèce..., quand il écrit : en général, les voyages dans le Levant ne peuvent manquer de devenir de plus en plus commodes, et il est à prévoir que l'idée viendra bientôt à quelque spéculateur étranger ou indigène d'y établir de bonnes auberges. Mais ce qui n'arrivera pas de sitôt [...], c'est qu'on y ait des routes de voiture.