Quand la culture s'affiche

La Bibliothèque a entrepris l'inventaire de son fonds d'affiches contemporaines à caractère culturel

« Ephémères » : tel est le terme par lequel on désigne, en bibliothèque, tous ces documents rétifs aux traitements en usage pour les livres ; les cartes postales, les prospectus, les timbres, les calendriers, et, plus opportunément encore, peut-être, que n'importe quel autre document, l'affiche. Support transitoire destiné à la promotion d'un événement lui-même transitoire, l'affiche peine parfois à trouver sa place dans les objectifs de conservation d'une bibliothèque : « l'éphémère tire son nom de cet insecte dont l'adulte ne vit qu'un ou deux jours, mais dont la larve, aquatique, peut vivre plusieurs années. Cet insecte qu'on voit voleter, de loin en loin, au-dessus du courant imprimé, n'est presque jamais pris dans le filet aux mailles serrées du dépôt légal. Presque jamais épinglé sur les grands folios classificatoires du catalogue [note]Thierry Grillet, dans la Revue de la Bibliothèque nationale de France n° 10, juin 2002. ».

Depuis l'emménagement de la Bibliothèque dans les locaux de la Part-Dieu en 1972, le service Documentation Lyon et Rhône-Alpes assure la collecte des affiches à caractère culturel déposées au service du public dans un but de diffusion. Ces affiches, venant accroître un fonds déjà constitué par les affiches arrivées par le biais du dépôt légal imprimeur et de différents dons, sont à l'origine d'une vaste collection dont ce département attaché à la documentation d'intérêt régional a décidé de mieux connaître les atouts. Initié en septembre 2005 sous la direction d'Anne Meyer, l'inventaire de ce fonds abondant et hétéroclite met en évidence les richesses insoupçonnées d'une collection consacrée à un document atypique.

Comme souvent en bibliothèque municipale classée, deux des départements de la Bibliothèque municipale de Lyon conservent des affiches : le fonds ancien et le fonds régional. Le partage tient évidemment à des critères chronologiques, bien que ceux-ci ne soient pas définis de manière intangible, ainsi qu'à des procédures d'acquisition différentes. Il s'agit pour l'essentiel, dans les deux cas, d'affiches concernant la ville de Lyon.

A l'origine de la collection du fonds conservé à la Part-Dieu, se trouve un mystérieux collectionneur lyonnais, M. Legendre, dont on ignore jusqu'au prénom, qui légua 500 affiches à la Bibliothèque en 1908. Depuis, ce fonds est régulièrement étendu par différents achats. Atteignant aujourd'hui environ un millier de pièces, il est mis en valeur dans une base numérique [note]La base Affiches est accessible sur : http://sgedh.si.bm-lyon.fr/dipweb2/affi/affiches.htm ., proposant une reproduction de l'affiche dès que celle-ci est libre de droits ; la base est ainsi riche d'un grand nombre de reproductions de créations de Jules Chéret (1836-1932) depuis la tombée de son oeuvre dans le domaine public. Alphonse Mucha, Théophile-Alexandre Steinlen, Henri de Toulouse-Lautrec et d'autres illustres affichistes de la fin du XIXe siècle y sont représentés par quelques-unes de leurs plus belles réalisations.

Habilitée avec une vingtaine d'autres bibliothèques de province à recevoir le dépôt légal des imprimeurs par la loi du 21 juin 1943, la Bibliothèque municipale de Lyon recueille depuis cette date, au même titre que les imprimés et les éphémères, toutes les affiches imprimées dans la région. La pratique du dépôt, dans le cas de ce document bien particulier, laisse quelquefois à désirer, et il est vraisemblable qu'un bon nombre d'affiches ne sont pas déposées. De fait, c'est principalement par le biais des affiches arrivées par le Service du public en vue d'être diffusées sur les espaces d'affichage de l'établissement, que le fonds d'affiches contemporaines s'est constitué. La proportion d'affiches parvenues à la Bibliothèque par le dépôt légal imprimeur, contrairement à ce que l'on pourrait supposer, est nettement moindre. La plupart des affiches, donc, datent de 1972 à nos jours, la plus ancienne (du moins parmi les affiches mentionnant l'année, nombreuses étant celles qui ne mentionnent que le quantième du mois) remontant au début des années 1950.

Du monde des théâtres, à celui de la photographie

En dehors de ce mode privilégié d'accroissement, la collection est également redevable à certains dons. Le fonds fut ainsi grossi en novembre 2004 par plusieurs cartons d'affiches conservées par la librairie et maison d'édition musicale Orgeret, non encore traitées dans le fonds éponyme abrité par la Bibliothèque [note]Disponible sur : www.bm-lyon.fr/decouvrir/collections/orgeret/htm ..

De proportion relativement modeste, le don de Paul Charrondière doit être mentionné pour son intérêt documentaire et la cohérence de son contenu. Cette collection de 207 affiches de théâtre, datant de la fin des années 1950 au début des années 1980, fut léguée à la Bibliothèque par cet ancien professeur de Lettres en mars 2003. Essentiellement bâtie autour des figures de Marcel Maréchal (Théâtre du Cothurne) et de Roger Planchon (Théâtre de la Cité, devenu TNP en 1972), la collection comporte également des affiches de l'Opéra de Lyon et d'autres théâtres plus modestes, dont certains disparus aujourd'hui, comme le Théâtre du Tournemire. Les affiches données, relativement rares, ne présentent pas de redondance avec le reste du fonds, en raison de la période dans laquelle la collecte a été effectuée, et du fonctionnement artisanal de certains théâtres à l'époque.

Professeur au lycée Chaponnay de Lyon, Paul Charrondière s'occupa d'assurer la liaison entre les théâtres et l'enseignement secondaire, et lia ainsi connaissance avec quelques-unes des figures les plus marquantes du théâtre lyonnais d'alors : Marcel Maréchal (fondateur du Théâtre du Cothurne à Lyon en 1958, puis directeur du Théâtre du Huitième en mai 1968), Maurice Yendt (comédien et metteur en scène, fondateur et directeur du Théâtre des Jeunes Années à Lyon), ou encore Gilles Chavassieux (comédien et metteur en scène, fondateur de la compagnie et du théâtre « Les Ateliers », en 1975, qui fit à ses débuts beaucoup de théâtre à destination des jeunes publics)... Le don Charrondière comporte également une collection intéressante de programmes, tracts, revues publiées par les théâtres, dossiers de presse, encore en attente de traitement.

Affiche pour un spectacle musical organisé par Kafé Mysik à la MJC Perrach en 2004 (BM Lyon, s.c).

Enfin, le don de la Fondation nationale de la Photographie (1978-1993), déménagé à la Bibliothèque de la Part-Dieu entre la fin de l'année 1993 et février 1994, comprenait, outre l'ensemble des collections photographiques (plaques de verre, tirages et expositions itinérantes), plusieurs produits éditoriaux de la FNP, parmi lesquels des catalogues, des cartes postales et des affiches. Faisant la part belle à la photographie humaniste (Robert Doisneau, André Kertesz, Brassaï, Henri Cartier-Bresson, Raymond Depardon, etc.), la Fondation nationale de la Photographie continue, d'une certaine manière, à rayonner par le biais du département de l'Artothèque, dont elle a notablement élargi les collections photographiques. Certaines affiches étaient déjà épuisées lors du déménagement des collections à la Part-Dieu. Ce lot de 70 titres d'affiches (en deux exemplaires chacun) est cependant presque exhaustif, et se répartit entre des affiches programmes, des affiches d'expositions et des affiches posters (portant seulement le nom de l'artiste et la reproduction d'une photographie), appelées « fonds d'affiches ».

Le triomphe de l'impression offset

Pour sa part, le département Documentation Lyon et Rhône-Alpes, s'engage aujourd'hui dans un effort de planification de la collecte des affiches, documents dont les processus d'acquisition diffèrent notablement de ceux du livre. En outre, depuis son ouverture en novembre 2000, la Médiathèque de Vaise, centre de documentation spécialisé dans les arts du spectacle, mène une politique active d'acquisition de tous les éphémères produits par les compagnies et les théâtres du Grand Lyon, et même en-dehors du Grand Lyon pour certains domaines, notamment les compagnies de théâtre de rue. Les affiches ainsi collectées sont appelées à rejoindre les silos de conservation de la Part-Dieu. Les autres éphémères recueillis par la Médiathèque de Vaise, eux aussi, font actuellement l'objet d'un inventaire.

Initialement dispersée en différents lieux de la Bibliothèque, la collection d'affiches contemporaines a connu quelques vicissitudes : plusieurs fois déménagées, les affiches ont pâti des nombreux mouvements de collections dans les magasins de la Bibliothèque, qui ont compromis à plusieurs reprises les tentatives de tri initiées à différentes périodes. Le premier inventaire du fonds d'affiches contemporaines du service Documentation régionale remonte à l'automne 2005 : 501 affiches à caractère politique ont été inventoriées par Virginie Rose [note]Voir Virginie Rose, Traitement et valorisation d'un fonds d'affiches : l'exemple des affiches électorales à la Bibliothèque municipale de Lyon. Villeurbanne, Enssib, 2006.. Les usagers de la Bibliothèque pourront prochainement consulter cet inventaire d'affiches électorales de la IVe et de la Ve Républiques.

Cependant, c'est du domaine culturel, dans son acception la plus large, que relève la grande majorité des affiches du fonds. Conformément au système employé par la Documentation régionale pour le classement des éphémères, les affiches concernant des colloques, rencontres et conférences dans le domaine des Sciences humaines seront traitées séparément de la rubrique intitulée « Arts, culture, loisirs et sports ». Celle-ci se répartira dans les neuf grandes catégories thématiques : arts plastiques et architecture, cinéma et audiovisuel, danse, littérature et bande dessinée, livre, musique, patrimoine, sports et loisirs, théâtre.

L'inventaire du fonds est aujourd'hui en cours, et, relativement à sa quantité, à peine commencé : seules 1 971 affiches ont fait l'objet d'un conditionnement définitif et d'un signalement dans l'inventaire encodé. La première caractéristique du fonds réside dans sa quantité aussi stimulante qu'intimidante : une évaluation approximative permet d'estimer à environ 15 000 le nombre d'affiches culturelles contemporaines rassemblées par le service Documentation Lyon et Rhône-Alpes. Techniquement, il s'agit essentiellement d'affiches imprimées selon le procédé offset (pour les trente dernières années en particulier), mais également d'un grand nombre d'affiches photocopiées, et de quelques rares affiches sérigraphiées (ou procédé assimilé).

Affiche pour l'exposition Meissonier Lyon, musée des Beaux-Arts, 25 mars-27 juin 1993 (BM Lyon, s.c.).

C'est aux affiches concernant les arts plastiques et le patrimoine qu'ont été consacrées ces premières investigations de l'inventaire détaillé. Parmi elles, plus de 70 différentes galeries privées sont représentées, une quarantaine d'affiches de l'Espace lyonnais d'Art contemporain (ELAC), une centaine d'affiches du musée de l'Imprimerie et de la Banque, une trentaine du musée Gadagne, et environ 80 du musée des Beaux-Arts, dont certaines remontant aux années 1960. Mais même ces chiffres sont à revoir à la hausse, puisqu'une grande quantité d'affiches est encore en attente de traitement dans le troisième caisson du silo 12.

L'affiche culturelle : un document en soi

Pour mieux saisir la spécificité du fonds d'affiches de la Bibliothèque municipale de Lyon, il semble opportun de revenir sur les caractéristiques distinctives de l'affiche culturelle contemporaine.

L'affiche joue un rôle prépondérant dans la communication des secteurs culturels : fortement concurrencée par d'autres médias dans le milieu publicitaire (télévision, radio, packaging, etc.), elle demeure l'un des éléments essentiels de communication dans la culture, en particulier pour le spectacle vivant. Si seuls 10% en moyenne du budget d'une campagne publicitaire d'un produit sont consacrés à l'affichage, le domaine culturel fait exception, et peut accorder jusqu'à 40% de son budget à l'affiche, notamment dans le cinéma [note]Voir, Réjane Bargiel, Histoire de l'affiche, disponible sur : http://www.museedelapub.org/virt/histoire/index.html .. Et l'économiste Bernard Roux écrivait il y a une quinzaine d'années que les théâtres privés parisiens fondaient « l'essentiel de leur communication sur l'emploi des méthodes classiques de la publicité, et tout particulièrement l'affichage ». Dès lors, on peut en déduire que l'affiche sera un témoin d'autant plus fidèle de l'image qu'un établissement veut donner de lui-même, en terme de politique de programmation, de public, etc.

Affiche pour Fight Art Le Toboggan de Decines, 2005. Conception graphique Yannick Bailly (BM Lyon, s.c.).

Mais la principale différence entre l'affiche publicitaire, ou politique, et l'affiche de manifestation culturelle est sans doute d'ordre formel. Pour commencer, les institutions culturelles ont plus volontiers recours aux services d'un affichiste que dans le domaine publicitaire. Différents auteurs s'accordent même à penser que « l'affiche d'affichiste » (celle qui témoigne du travail d'un graphiste professionnel, et échappe à l'usage toujours plus massif de la photographie par les agences de publicité) ne subsiste plus aujourd'hui que dans le domaine culturel. Il s'agit ainsi, pour certains grands établissements, de se constituer une forte identité visuelle : les affiches de l'Opéra de Lyon présentes dans le fonds de la Bibliothèque reflètent de manière saisissante la politique des directions successives de cette grande institution d'art lyrique.

Dans la publicité commerciale, pour reprendre le mot du célèbre affichiste Cassandre, le graphiste s'apparente à un télégraphiste ; il recherche avant tout la transmission la plus efficace d'un message : Sans doute s'agit-il d'un message plastique. Mais si l'affichiste emploie les moyens du peintre, ils cessent d'être pour lui moyens d'expression individuelle, pour devenir langage anonyme, une sorte de code international. Or l'affiche culturelle, par son destinataire appartenant à un « micromilieu » et supposé doté d'un certain bagage culturel, devient souvent pour le graphiste le lieu d'expérimentations que ne lui autoriserait pas la publicité commerciale. Il ne s'agit plus en effet de sur-signifier un contenu rudimentaire ; l'image vaut pour elle-même en dehors de son projet publicitaire. L'intention publicitaire est parfois si ténue qu'elle en devient presque imperceptible, ce qui tient initialement à l'immatérialité de l'objet promu : le message de l'affiche [culturelle] se rapporte à des réalités abstraites, dont la reproduction est impossible sans une certaine schématisation, pouvant aller pour certains jusqu'au signe pur, plus ou moins stable ou codé [...] ou purement aléatoire. [note]Voir Françoise Enel, L'Affiche : fonction, langage, rhétorique. Paris, Mame, 1971. La lisibilité elle-même peut s'en trouver compromise : la lisibilité n'est pas un problème ¬- une image faite dans un contexte spécifique pour un public spécifique peut s'affranchir des canons de la typographie internationale (Alain Weill).

Pour saisir la spécificité de l'affiche culturelle, il est ainsi permis de reprendre les trois grandes caractéristiques de « l'affiche d'affichiste » selon P. Fresnault-Deruelle : un format relativement réduit (tant il est vrai qu'il ne s'agit plus d'en « mettre plein la vue » au spectateur), des images et un texte considérés avant tout comme constituants plastiques, et la mise en jeu d'une relative illisibilité initiale du texte.

On peut même dire que l'affiche culturelle subvertit volontiers ce que certains voient comme les règles fondamentales d'une « bonne » affiche : lisibilité, effet maximum tiré d'un minimum de moyens graphiques, efficacité à grande distance. En elle se donne à lire, avec une acuité toute particulière, la « concurrence entre l'aptitude fonctionnelle et la valeur de plaisir » qui caractérise l'affiche en général [note]Voir Josef Muller-Brockmann, Histoire de l'affiche. Paris, Phaidon, 2004..

Cependant, c'est surtout par sa grande diversité que l'affiche culturelle se distingue, par exemple, des affiches électorales ou des affiches publicitaires : en effet, à la différence de ces dernières, elle n'est pas toujours produite par des professionnels de la communication. Emanant de structures très variées, parfois tirée à peu d'exemplaires, de façon très artisanale, elle peut se présenter sous les atours d'une affiche élégante ou innovante comme d'une simple affichette A4 en noir et blanc.

Affiche pour l'exposition Max Vadukul Lyon, Fonation nationale de la Photographie, 15 décembre 1988-29 janvier 1986 (BM Lyon, boîte n°13; RAF002159).

Le format modeste et le tirage relativement réduit des campagnes de communication culturelle autorise même certaines réalisations expérimentales : le fonds du service Documentation et Rhône-Alpes contient ainsi une affiche en forme de cerf-volant [note]L'Horizon en pente, d'après un roman de Romain Gary : « Les cerfs-volants », mise en scène de Jean-Luc Bosc, Théâtre de la Platte, du 3 au 12 février 1994., une affiche en relief [note]Léopold Sédar Senghor, Beaux livres et manuscrits illustrés, Château Ripaille, Thonon-les-bains, juillet-août 1993., une affiche perforée en moucharabieh [note]Semaine des cinémas arabes du 20 au 24 juin au Théâtre de la Renaissance à Oullins et les 25 et 26 juin à l'Institut Lumière [1994]., une autre apparemment blanche dont l'illustration se révèle par un jeu de contraste entre mat et brillant [note]Jean-Philippe Aubanel, exposition « Objets ironiriques avez-vous donc une âme ? », du 10 septembre au 30 octobre 1993, Galerie Solo, 9 rue Vaubecour, 69002 Lyon., etc. La dimension esthétique prédominante se donne encore à lire dans les illustres signatures dont sont porteuses certaines affiches. L'Opéra de Lyon sollicite Ernest Pignon-Ernest pour l'affiche du spectacle Zingaro de Bartabas, Enki Bilal pour le ballet Roméo et Juliette de Prokofiev ; le ministère de la Culture fait appel à Tardi pour Lire en fête, à Sempé pour la Fête de la musique, etc. Ailleurs, Folon, Moretti, Topor prêtent leur talent à différentes institutions. A une époque plus éloignée, le peintre de notoriété internationale Edouard Pignon (1905-1993) a réalisé de nombreuses affiches pour les spectacles de Marcel Maréchal (Hamlet de Shakespeare ; Le Sang de Jean Vauthier...) et, d'un point de vue plus local, certaines affiches de théâtre, notamment issues du don Charrondière, sont dues à la peintre lyonnaise Marie-Thérèse Bourrat (née en 1938), notamment pour Les Chaises d'Eugène Ionesco et Oh les beaux jours de Samuel Beckett.

Un fonds d'intérêt local

Ce fonds, pour paraphraser le titre du livre de Max Gallo L'Affiche, miroir de la vie, miroir de l'histoire, peut être vu comme un authentique miroir de l'activité culturelle lyonnaise et rhônalpine depuis plus de trente ans. Sur les 9 884 affiches traitées, 62% concernaient les neuf arrondissements de Lyon, 19% les autres communes du Grand Lyon, 12% la région Rhône-Alpes et 7% le reste de la France et l'étranger.

La nature erratique du mode de collecte se traduit dans la grande disparité de ce fonds et un fort émiettement des institutions représentées. Les nombreux établissements culturels lyonnais (Institut Lumière, musée des Beaux-Arts, Maison de la danse, musée de l'Imprimerie, Opéra, nombreux théâtres...) et la grande richesse de la vie culturelle en banlieue (TNP et Institut d'Art contemporain à Villeurbanne, Centre Charlie Chaplin à Vaulx-en-Velin, Centre Albert Camus à Bron, Théâtre de la Renaissance à Oullins...) justifient amplement la conservation de ces témoignages privilégiés que sont les affiches, sans compter les productions d'une institution naturellement très bien représentée par le fonds : la Bibliothèque elle-même (11% des affiches lyonnaises). La diversité, à ce niveau encore, constitue sans doute l'un des atouts majeurs du fonds comparé à d'autres fonds plus spécialisés.

Si tous les domaines sont représentés, le processus d'acquisition entraîne néanmoins des lacunes et des disparités : il s'y trouve ainsi fort peu d'affiches de films (rarement déposées à la Bibliothèque), et très peu d'affiches du musée d'Art contemporain, par exemple. Cet inventaire constitue ainsi, pour le fonds d'intérêt régional, un outil permettant d'optimiser sa politique d'acquisition dans ce domaine.

Parmi cet ensemble disparate et profus, des atouts se dessinent, qui peuvent relever de la rareté, du bon suivi de la collection ou d'une qualité esthétique intrinsèque : on signalera par exemple le bel ensemble formé par les affiches de l'Opéra de Lyon (au moins 360, nombre à revoir à la hausse puisque plusieurs affiches de l'Opéra se trouvent encore en attente de traitement), les affiches du Théâtre de la Cité-TNP, et les 150 affiches de la Fondation nationale de la Photographie. Enfin, un grand nombre d'affiches (notamment issues du don Charrondière) constituent un témoignage de la vie théâtrale de Lyon aux débuts de la décentralisation culturelle, marquée par la figure de Roger Planchon.

Affiche pour Un chapeau de paille d'Italie d'Eugène Labiche mise en scène de Georges LavaudantTNP Villeurbanne, 1993 (BM Lyon, s.c.).

Mémoire de « l'intelligence d'une ville », dont le temps se chargera d'assurer la pleine légitimité, la collection d'affiches contemporaines du service Documentation Lyon et Rhône-Alpes apporte un témoignage précieux et imagé de plus de trente années d'activité culturelle locale ; mais c'est aussi, par ce document tant iconographique que textuel, aux problématiques d'acquisition si délicates, toute une poétique de l'urbanité que la Bibliothèque se propose de conserver :

    J'adore la banlieue avec ses champs en friche Et ses vieux murs lépreux, où quelque ancienne affiche Me parle de quartiers dès longtemps démolis...
    (François Coppée)