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— 241 — aussitôt ajouta : « Ma viande, c'est que je fasse la volonté de mon père ». Il avait prié le sieur Pernet (lequel demeura attaché à son chevet tout le long de sa maladie) de lui inculquer souvent, en le réveillant, ces paroles et sentences de la Sainte Ecriture. « Mon cœur et ma chair se sont esjouis au Dieu de la vie » et redisait fort souvent celles-ci : « Je chanterai éternellement les miséricordes du Seigneur. Mon âme refuse « d'être consolée, quand viendrai-je et quand apparaîtrai-je devant la face de Dieu i « Montrez-moi, ô le Bien-Aimé de mon âme ! où c'est que vous paissez et couchez au « midi. Je me suis ressouvenu de Dieu et j'ai été consolé ». L'évêque de Damas se fit l'interprète de Madame Olier qui venait avec ses enfants recevoir une dernière béné- diction. Il éleva la main au-dessus de la tête des enfants « avec une façon assez con- « tente et paisible ». « A dix heures on lui ouvrit la veine et tout aussitôt arriva le père Jean Forier jésuite, pour lors provincial de Lyon, qui lui dit doucement : « Monseigneur, vous « souvenez-vous plus de moi et me connaissez-vous plus i ». Il répondit : « Que mon « âme soit mise en oubli si je ne me souviens de vous! ». Voyant le frère Guillaume Armand (frère jésuite) grandement empressé pour lui rendre du service, il l'interrogea doucement : « Mon frère, vous prenez beaucoup de peine et souffrez beaucoup pour « moi : qu'est-ce qu'enfin je pourrai faire pour vous i ». Le frère répondit : « Monsei- « gneur, priez pour moi et ayez souvenance de moi quand vous serez arrivé au royau- « me de Dieu », à quoi il sembla s'accorder par un clin d'œil qu'il fit. Mais le Père Forier continua de l'exhorter qu'il récitât cette oraison de saint Martin : « Seigneur, si « je suis encore nécessaire à votre peuple, je ne refuse pas le travail ». Jamais on ne put la lui faire réciter, il disait : « Je suis un serviteur inutile, inutile, inutile ». Il récita l'hymne : « Saint, Saint, Saint le Seigneur des armées », et le psaume « O Dieu, ayez « pitié de moi, selon votre grande miséricorde ». Le prince de Piémont, malade de la goutte, fut prévenu par Barthélémy Floccard, collatéral au conseil de Genevois, et vint revoir le saint. Comme il arrivait, « Monsei- gneur, lui demanda-t-on, connaissez-vous point ce princes' ». — « Oui, dit-il, je suis son vassal. C'est monseigneur le duc de Nemours ». Il lui donna sa bénédiction « et derechef pour son fils aîné le prince de Genevois qu'il avait baptisé à Paris les années passées ». « Ne pleurez pas, mon enfant, dit-il ensuite à son serviteur qui gémissait, appuyé sur la colonne du lit, ne faut-il pas que la volonté de Dieu s'accomplisse i ». II ajouta à Roland, son fidèle et autoritaire valet de chambre : « Vivez en paix et en la crainte de Dieu ». L'archevêque d'Embrun vint le voir. Il sommeillait, « ses serviteurs lui tiraient les cheveux, lui frottaient les jambes jusqu'à les lui écorcher et le pinçaient bien serre- ment » pour le tirer de cet assoupissement mortel. Il se réveilla et dit : « Seigneur tout mon désir est devant vous et mon gémissement ne vous est point caché. Mon Dieu et mon tout! mon désir est le désir des collines éternelles ». « Monseigneur, lui dit le Père dom Charles de Saint-Laurent, feuillant, il faut avoir bon courage, peut-être qu'avec l'aide de Dieu nous vous verrons encore un jour assis dans votre trône de