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il avait débouché d'un chemin creux et réussi à capturer le curé du pays,
Sébastien Grange. Ce prêtre insermenté, âgé de cinquante-six ans, s'était
laissé pousser la barbe dans l'espoir de se déguiser : un des fanatiques y mit
le feu. Conduit à la Tour-du-Pin et de là à Lyon, le curé Grange y fut
condamné à mort et exécuté le 16 pluviôse an II, avec quatre autres ecclé-
siastiques de l'Isère, les curés de Crémieu, de Saint-Didier-de-Bizonnes et
de Belmont, et le vicaire de Champier. Tel avait été l'exploit le plus mar-
quant de la bande généralement avinée (i) dont avaient fait partie Dolle et
Menu. Nous verrons plus loin que, par le plus fabuleux concours de circon-
 stances et avant même que la Terreur ne prît fin, ces hauts faits ne devaient
pas demeurer totalement impunis.
       Mais tandis que Vauquois continuait le cours de ses brigandages, Dolle
 et Menu, de retour à la Guillotière, se voyaient aussitôt nommés l'un
 président, l'autre vice-président du Comité de Surveillance. Dolle surtout,
 homme énergique et rusé, que la société populaire de la Tour-du-Pin quali-
 fiait d'« intrigant dangereux », paraît avoir complètement dominé cet orga-
 nisme révolutionnaire. Les autres membres, à l'exception de deux ou trois,
 étaient des ouvriers frustes et illettrés. Quel fut au juste leur rôle? Leur
 principal souci — on ne peut le dissimuler — fut d'abord de s'attribuer un
 traitement et ensuite de le toucher. Dès le 3 nivôse, date à laquelle com-
 mence le registre, le Comité dit que « vu l'urgence des besoins que chaque
 membre a de ses traitements (sic), il a été délibéré que le citoyen Régis
 remettroit cent livres à chaque membre, à prendre sur la recette faite dans
 notre canton pour l'armée des rebelles, déposée au comité ». Il s'agissait
 d'une somme de 3.015 livres, montant d'une souscription pour l'armée
 départementale lyonnaise, qui n'avait pu parvenir à son adresse. Après ce
 premier acompte, les membres du Comité en prirent un deuxième. Puis ils
  demandèrent que leur traitement, d'abord fixé à trois livres par jour, fût
 porté à cinq. Ils assaillirent de leurs réclamations la CommissionTemporaire
  qui les renvoya aux représentants du peuple, puis au district de Vienne.
  Voici la lettre des plus circonstanciées par laquelle ils saisirent les adminis-
  trateurs de ce dernier district. Nous respectons le style et l'orthographe :

    (1) Le réquisitoire de Fouquier-Tïnville qu'on lira plus loin, ne permet guère d'employer une autre
expression.