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 312                       UNE NOCE.

 dresse, es-tu sûre de n'avoir pas compromis ton bonheur?
     — Vous oubliez donc vos leçons, mon cher père, dit-elle
 doucement ; ne m'avez-vous pas dit cent fois que le bon-
 heur consiste à se vaincre et à ne rien faire qui soit con-
  traire aux sentiments dont on s'est fait une religion dès l'en-
 fance ?
     — Mais tu souffres !
      — Oui, je ne puis vous le cacher, je souffre ; mais la vie
   n'est-elle pas toute dans ces deux mois : combattre et
  souffrir ?
     — Dis-tu cela sans amertume ?
      — Sans la moindre, bon père, et c'est surtout aux heures
• difficiles que l'on sent grandir son âme et son cœur. Vous
  me le disiez, je le sais maintenant, et grâce à vous, je n'ac-
  cuse de ma première douleur ni Dieu, ni les hommes ; je l'ac-
   cueille en amie et je lui laisse prendre de mon cœur tout ce
   qu'elle en réclame. Mais elle ne l'a pas tout, et la part qui
   vous est réservée rayonne plus que jamais de tendresse et
   d'amour.
      — J'ai presque un remords, mon enfant. Ai-je eu toit de te
   rendre aussi sérieuse ? T'ai-je enlevé par mes conseils cette
   ignorance pleine d'illusions qui rend les premières passions
   pleines d'un charme sans mélange ? En un mot, ai-je, sans
   le vouloir, défleuri ta jeunesse?
    — Je vous bénirai, cher père, tous les jours de ma vie.
 L'ignorance est sans défense aucune contre les maux inévita-
 bles ; vos sages instructions m'ont armée de bonne heure
 contre moi-môme et contre tous les revers. Vous me restez,
 d'ailleurs: pourrais-je donc me plaindre?
    — Chère enfant,, dit M. Girard, attendri, en posant sa
 main sur le front de sa fille, je ne serai pas toujours là.
    — Ah! s'écria-l-eile, ne prévoyons pas de si loin. Voilà le