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328 UNE NOCE. il s'élail conduit depuis son arrivée à Léontaud, le dépila, et ne pouvant s'en prendre à personne, il déchira distraitement la lettre qu'il tenait dans ses mains, et l'envoya errer en pa- pillons blancs au-dessus des herbes de la prairie. — Est-ce que vous faisiez des vers, M. Frédéric, dit une voix railleuse qui fit tressaillir le jeune homme, enfoncé qu'il était dans ses réflexions. — Des vers ! moi! pourquoi ferais-je de la poésie, répon- dit-il en reconnaissant dans la personne qui venait ainsi le troubler, Mme Girard que Louise suivait de près. — Je gage que vous veniez de faire un sonnet, reprit Olympe, puis, mécontent de votre inspiration, — ne vous fâchez pas, cela peut arriver aux plus grands poètes, — vous avez détruit votre œuvre. Allez, il n'y a qu'un poète occupé à malmener sa Muse, qui puisse ne pas entendre venir deux femmes dont les robes de soie s'éraillent à tous les buissons. Vous me regardez? Nous ne sommes pas des hirondelles, et nous n'avons pas glissé dans l'air, je vous assure, pour arri- ver jusqu'à vous. Voyons, récitez-moi votre sonnet, nous se- rons peut-être moins sévères que vous. — Vous êtes indiscrète, Olympe, dit Louise ; Frédéric, ne répondez pas à cette curieuse. — Mais, Louise, répliqua Mme Girard avec une intention malicieuse, il n'y a jamais d'indiscrétion à demander d'en- tendre des vers, et que veux-tu que lise ou écrive un jeune homme sentimentalement caché sous des arbres, si ce n'est de la poésie? — Il ne lisait pas, il déchirait. D'ailleurs que vous importe, Olympe. Ah! quel excellent juge d'instruction vous feriez! Voilà , sans preuves, Frédéric soupçonné et convaincu d'avoir commis un sonnet. Pauvre Frédéric! — Vous trouvez que ceci ne me regarde pas, dit Olympe piquée, mais il esl des personnes auxquelles il importe plus