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ET DE L'INDUSTRIE. 223
Platon a beau l'appeler imitateur de fantômes, corrupteur de
la morale et de la cité, ami du mensonge, s'il le chasse de
sa république, ce n'est qu'après l'avoir couronné de fleurs
et de bandelettes. Et par quels éloges délicats, par quelles
flatteries d'une suavité incomparable n'a-t-il pas racheté cette
sentence d'exil !
« L'âme des poètes fait réellement ce qu'ils se vantent
« de faire. Ils nous disent qu'ils puisent à des fontaines de
« mie) et que semblables aux abeilles ils volent ça et lÃ
« dans les jardins et les vergers des Muses où ils cueillent
« les vers qu'ils nous apportent; et ils disent vrai, car le poète
« est un être léger, ailé et sacré ; il est incapable de compo-
« ser à moins que l'enthousiasme ne le saisisse et ne le jette
« hors de lui-même et ne lui fasse perdre la raison. Jusqu'au
« moment où il entre dans cet état tout homme est dans l'im-
« puissance de faire des vers ou de prononcer des oracles. »
Est-ce que de telles louanges dans la bouche de Platon
excédaient les idées reçues de son temps? Je ne le crois pas.
Cette fièvre d'enthousiasme, cette agitation divine, l'anti-
quité ne les prêta jamais qu'aux poètes. Seuls ils passaient
pour être inspirés. Le peintre ou le sculpteur, quoi qu'il fît,
n'était jamais que savant ou habile dans son art.
Mais ce qui contribuait surtout a élever le poète dans une
sphère distincte, c'est qu'il échappait manifestement à l'ana-
thème porté contre le travail. Son œuvre, vierge de toute
trace servile, était le fruit immaculé de l'esprit. Elle ne lui
avait coûté aucune peine, aucun effort qui pût déformer son
corps ou arracher son âme a la contemplation du vrai et
du bien. Les théories de Platon et d'Aristote se réunissaient
pour l'absoudre.
Chose étrange que cette réprobation attachée au travail
dans une société démocratique et commerçante ! Nous sa-
vons qu'elle y était devenue en quelque sorte un dogme,