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222               DES AFFINITÉS DE I A POÉSIE

 portât avec une égale force contre les artistes et contre les
 poètes, il aurait dû choisir parmi ceux-ci non pas des célé-
 brités de second ordre, mais des noms qui eussent été à la
 poésie, ce que les noms de Phidias ou Polyclete sont à la
 sculpture, Homère par exemple, ou Eschyle. S'il ne l'a pas
 fait, n'est-on pas en droit de conclure qu'il a reculé lui-
 même devant la témérité d'une assimilation que, d'ailleurs ,
 tout démentait?
    D'abord, a l'inverse du sculpteur et du peintre, le poète
 trouvait dans le Panthéon hellénique une divinité de laquelle
 il relevait directement: Apollon , un des douze grands dieux
 de la Grèce; et près d'Apollon, Mnémosyne, les Grâces, les
 Muses, ses gardiennes, ses guides , les messagères de son
 inspiration. A l'inverse encore de ceux-ci, il trouvait sur les
 places publiques, dans les jardins, sous les portiques, les
 statues de ses maîtres et de ses émules: Pindare avait la
 sienne près du temple de Mars, Hésiode dans celui de Jupi-
ter-Olympien, Anacréon dans la citadelle, Ésope dans un des
quartiers de la ville. Les portraits du vieil Aëde Musée
d'Eschyle, de Sophocle, d'Euripide, de Ménandre se voyaient
au théâtre d'Athènes ; enfin, les statues d'Homère n'étaient
pas rares, surtout dans les villes de l'Asie mineure.
    Cette différence dans la part honorifique, faite aux poètes
et aux artistes suffirait seule à prouver que l'antiquité ne
les confondait pas ; mais combien d'autres témoignages pour-
raient être invoqués pour établir la prééminence des préro-
gatives de la lyre ! Soit que l'antiquité considérât le poète
comme le dépositaire des traditions primitives, le dispensa-
teur harmonieux de la gloire ; soit que , comme auteur des
hymnes et des tragédies qui formaient en Grèce partie inté-
grante du culte, il lui parût participer aux fonctions du prê-
tre, toujours elle prit au sérieux son ministère et la qualifi-
cation d'interprète des dieux qu'il aimait tant h se donner.