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21 fi DES AFFINITÉS DE LA POÉSIE follement prodigué aux athlètes, même aux courtisanes et a d'autres personnages tout aussi peu recommandables. Le mot de cette énigme est tout entier dans la réproba- tion qui frappait aux temps anciens le travail manuel, les arts mécaniques. Cette réprobation, unanime , inflexible, sans appel, écrite à toutes les pages de la philosophie grec- que et romaine, s'étendait jusqu'aux artistes, quelle que fût leur réputation ou leur talent ; ni Phidias, ni Polygnotte, ni Zeuxis ne trouvèrent grâce devant elle. Consultons Plutar- que a ce sujet: « Tarce que nous admirons une chose, dit-il, ce n'est « pas toujours pour nous un motif de la faire, et souvent « même, en prenant plaisir à l'œuvre, nous méprisons l'ou- « vrier ; ainsi l'odeur du parfum et la vue de la pourpre « nous causent du plaisir, nous mettons cependant l'art du « parfumeur et celui du teinturier au rang des professions « mécaniques et des métiers ; aussi le mot d'Aulisthène « est-il plein de sens? On lui vantait le talent du joueur « de flûte Esménias : Fort bien, dit-il, mais c'est un homme « de rien sinon ce ne sérail pas un excellent joueur de. « flûte ; toute œuvre de métier prouve une chose, c'est que « l'homme qui s'est livré à une occupation inutile était « insouciant du vrai beau. 11 n'y a pas un jeune homme « bien né qui, pour avoir vu le Jupiter de Pise ou la Junon « d'Agos se soit pris du désir d'être Phidias ou Polyclète, « ou qui voulût devenir Anacréon, Philémon, ou Archilo- « que pour avoir lu avec délices leurs poèmes; et bien « qu'un ouvrage nous plaise à cause de ses grâces et de « ses élégances, ce n'est pas une raison pour que nous « accordions nécessairement notre estime a l'auteur. » Lucien n'a pas raisonné autrement dans le dialogue inti- tulé : le Songe, où il feint que la Sculpture et la Science plaident devant lui pour se disputer sa vie? « Quand tu se-