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ALLOCUTION DU PRÉSIDENT. 489 depuis les pins Scandinaves jusqu'aux cactus des Antilles et aux palmiers d'Asie, ce Vésuve qui porte la vie et la mort dans ses flancs en détruisant les villes et en fertilisant les campagnes, enfin toute la magie de cette incomparable scène qui semble accumuler tous les prodiges de la nature dans ce coin privilégié de l'univers. Ce spectacle me saisissait sans m'enivrer. Le mouvement de cette population agitée frappait mes yeux, mais ses bruits ne montaient pas jusqu'à moi. Je voyais fuir les navires qui emportaient de toutes parts les pèlerins des deux hémisphè- res, mais j'ignorais leurs noms et leur fortune. Mon âme émue, mais maîtresse d'elle-même, trouvait la force de semer sur ces illustres plages tous les grands souvenirs de la feble et de l'histoire; je voyais l'antre de la Sibylle et les Champs Élysées, le tombeau de Virgile et le berceau du Tasse, le dernier exil de Scipion et le dernier palais de Tibère. J'allais du plus grand des Romains au plus pervers des Césars, et je me consolais des hontes deCaprée en cherchant des yeux le cap Misène, où succomba l'ancien Pline martyr de la science, et cette plage bénie de Pouzolles où vint abor- der Paul, cet autre martyr qui apportait la bonne nouvelle de l'Aréopage au Capitole, subissant encore les chaînes de César, appelé bientôt a briser celles du monde. Ainsi ma vue embrassait d'un seul regard la destinée des temps antiques et des temps modernes. Mon âme pen- chée sur les confins des deux mondes, de la nature et de l'histoire, se sentait tout ensemble transportée par la gran- deur des horizons et raffermie par la solitude de mon ob- servatoire. A mes pieds, l'éclat de la terre, autour de moi les cellules de l'éternel silence. A travers ce voile d'ineffable mélancolie qui ne saurait désormais se séparer de ma des- tinée, ma pensée montait plus libre aux méditations éter- nelles; et, comme à mesure qu'elle s'élève et s'échauffe, elle