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178 ALLOCUTION DU PRÉSIDENT. elle s'y mêler sans abdiquer son caractère? Comment fuir l'arène sans faiblesse, ou y descendre sans passion? L'élo- quence philosophique sait éviter ce double écueil, concilier ses droits et ses devoirs, garder son indépendance et sa sagesse. Elle tient sans doute ses regardsfixéssur la politique, mais de loin et de haut. Elle songe plutôt a améliorer les choses qu'à déprécier les personnes, a éclairer les esprits qu'à en- venimer les cœurs. Sa main ne répand ni l'encens ni le flei. Elle ne se condamne ni au regret de glorifier les faiblesses de la patrie ni au supplice de maudire ses gloires. Ce n'est pas la politique du jour ou même du lendemain, c'est la po- litique des grands horizons que le passé enseigne, que le présent prépare, que l'avenir réalise. Elle pressent plus qu'elle ne prédit; elle ne demande rien au fatalisme des temps, ni à la témérité des moyens, elle domine les passions et devance l'histoire; elle avance sans découragement et sans impatience ; elle est infaillible, parce qu'elle est patiente; puissante, parce qu'elle est sage. Toujours calme et élevée, remontant sans cesse aux causes, poursuivant sans relâche son but civilisateur , elle ne se laissera ni détourner par des incidents secondaires, ni emporter par des questions irritantes. Elle ne discutera ni les ilôts du Danube ni les limites du Monténégro. Elle se gardera bien plus encore d'exciter, par des paroles imprudentes, les nations civilisées de l'Occident les unes contre les autres ; mais elle dominera de haut sur cet Orient si ardent et si immobile, si inspirateur et si abruti, qui plane et rampe tour à tour, aujourd'hui subissant les chaînes du monde, hier transformant sa face et le pros- ternant à ses pieds. Elle jugera ceMahométisme qui a vaincu, trôné, opprimé par l'épée, destiné peut-être à périr par l'épée !