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 136                        BIBLIOGRAPHIE.
fidèles, politique et nécessaire pour les gouvernements qui le
 favorisaient.
   Malheureusement, au milieu des pèlerins, il y avait plus de
poètes et de romanciers que d'historiens, plus d'hommes à ima-
gination brûlante et exaltée que d'esprits droits et rassis. Les
relations écrites à l'époque de ces grands événements, sont
pleines de prodiges, de visions et de faits surnaturels, de là, le
profond mépris inspiré par les Croisades aux philosophes ratio-
nalistes du XVIIIe siècle ; les guerriers chrétiens, à moitié bar-
bares encore et irrités par de longues souffrances, ne se firent pas
faute, hélas! de ces cruautés, qui ont souillé toutes les guerres,
de là, une indignation parfaitement justifiée de la part des phi-
lanthropes de nos jours ; l'absence des chefs et des souverains
occasionna des troubles et des bouleversements dans les Etats,
de là, un blâme sévère de la part de ceux qui ne voient que les
accidents et les détails ; qu'on nous permette de penser et de
dire que ce n'est pas àun point de vue étroit qu'il faut juger ces
grandes guerres, et qu'il faut s'élever plus haut pour contem-
pler, d'une manière convenable, ces vastes horizons.
   Un travailleur consciencieux, un de ces Bénédictins qui trouvent
le temps d'écrire au milieu du bruit des affaires et des exigences
de la société, M. Peyré a voulu approfondir cette difficile ques-
tion et il s'est enfoncé résolument au milieu des livres et des
manuscrits, étudiant tout, ne méprisant rien et demandant la
vérité aux archives de nos grands dépôts, à nos vieilles chroniques,
aux obscures légendes, aux antiques chansons, plus encore qu'aux
travaux de ces nommes érudits qui, depuis des siècles ont fait
des volumes avec d'autres volumes et, confondant les poètes avec
les historiens, en sont encore à se demander dans quelle forêt
Tancrède allait couper les madriers des machines qui devaient
prendre Jérusalem.
   C'est le fruit de ces laborieuses recherches que nous avons
sous les yeux. Auteur d'ouvrages sérieux, habitué à voir autre
chose que la surface, M. Peyré, après avoir publié la Loi des
Bourguignons, la Loi des Francs et une étude sur la civilisation
de l'Afrique centrale, s'est consacré, du fond de sa chère retraite,
à un travail qui, s'il était ambitieux, lui donnerait certainement
de la réputation et des honneurs, mais qui le laissera simplement
avec la satisfaction d'avoir fait une œuvre utile. Son Histoire
de la première Croisade est un monument qui restera, nous
l'espérons. Nous ne pouvons suivre notre auteur dans le dével-
oppement des faits qu'il raconte , nous dirons seulement un
mot de la manière dont il a compris son devoir d'historien et
traité ce premier soulèvement des Occidentaux contre les oppres-
seurs de l'Orient.
   L'époque où écrivit Michaud n'était pas favorable pour tracer
nne pareille histoire. Rédacteur de la Quotidienne, défenseur des
principes monarchiques et religieux, Michaud avait cependant
des ménagements à garder, et les lecteurs auraient peut-être