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92              CONSIDÉRATIONS SUR L'ÉPOPÉE.

 velée d'une Faculté aussi distinguée que celle de Lyon, Fa-
 culté que la philosophie, l'éloquence et la poésie environnent
 d'un triple éclat et que l'Académie française a couronnée en
 quelque sorte elle-même l'année dernière, en ouvrant son
 propre sein à l'un des membres qui la composent. J'ai donc
 besoin, Messieurs , de votre bienveillante indulgence ; j'ai
besoin aussi de celle de mes collègues ; enfin, je réclame
 celle du grand poète dont j'essaierai d'analyser devant vous
le principal monument.
    Voyageur dans les diverses contrées de l'Orient où se sont
accomplis les différents épisodes de la religieuse et cheva-
leresque épopée des croisades, ayant surtout parcouru avec
un soin plus particulier la Palestine et visité deux fois cette
Jérusalem dont les murs furent témoins alors de tant de
luttes héroïques, je connais assez bien le théâtre des évé-
nements où le Tasse transporte son lecteur, et cette con-
naissance me permettra peut-être de mieux juger ce poète
et d'éclairer, je l'espère, d'un jour nouveau le vaste drame
qui va se mouvoir devant nos yeux. C'est donc avec mes sou-
venirs d'Orient et le flambeau de l'histoire à la main, que
je me propose d'entreprendre l'étude de la Jérusalem dé-
livrée.
   La poésie épique, en effet, pour être véritablement digne
de ce nom, doit jaillir du fond même de la réalité. Si elle
veut s'emparer puissamment de notre admiration, en s'éle-
vant à la hauteur d'un monument national, il faut, à mon
avis, que presque tout y soit historique, ou du moins fondé
sur des traditions populaires. Le poète peut agrandir ses
personnages, mais il doit rarement les créer. Personne ne
lui reprochera de nous les montrer, ainsi que les événements
qu'il raconte ou met en action, à travers un prisme qui les
idéalise, et d'embellir en même temps la scène où il les place;
mais cette scène doit néanmoins toujours refléter les couleurs