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CONSIDÉRATIONS SUR L ' É P O P E E . 91 la foi, la science des dogmes révélés, l'art de la morale. Le Dante n'était devenu son auteur favori, qu'à cause de son orthodoxie, et parce que, malgré l'audace et lafiertéindomp- table de son esprit, il était resté l'humble enfant de l'Eglise. Ah ! pourquoi faut-il, ô éloquent et pieux Ozanam, que la mort soit venue si vite glacer sur tes lèvres cette parole saintement contagieuse, que les chaires chrétiennes enviaient a l'Université, et qui, tout en épurant par un sentiment ex- quis de l'art, le goût intellectuel de la nombreuse jeunesse qui accourait sans cesse pour t'écouter, tendait constam- ment à perfectionner en elle le goût moral et à lui inspirer de graves et de généreuses pensées ! J'aurais donc pu, en suivant avec respect les vestiges et l'exemple d'un tel maître, et en mettant a profit un si docte et si sûr enseignement, aborder devant vous avec plus de confiance une matière déjà toute préparée, et essayer, sur les pas d'un guide si éclairé de parcourir et d'explorer le vaste champ de la Divine Comédie ; mais ce sujet appar- tient en quelque sorte au savant collègue que je remplace pour le moment, et j'ai dû tourner les yeux vers un autre écrivain de l'Italie, qui rivalisât avec le Dante , sinon pour la vigueur et l'originalité créatrice du génie, du moins pour la beauté de l'imagination, la grandeur du drame qu'il déve- loppe, le charme des épisodes, l'éclat de la diction. La Jérusalem délivrée du Tasse s'est présentée soudain h mon esprit comme le chef-d'œuvre le plus digne de captiver votre intérêt pendant les trois mois que j'aurai à vous parler. Ce n'est pas, je l'avoue, sans quelque appréhension et sans une juste défiance de moi-même que je me suis vu ap- pelé tout à coup a siéger provisoirement dans une chaire si brillamment occupée avant moi, et a soutenir, pour ma faible part, la réputation déjà ancienne et toujours renou-