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378 ÉTUDE SUR BLAISE PASCAL. encore, ou à Pascal qu'elles appartiennent ! Elles se trouvent les unes et les autres dans Bacon, et Bacon a précédé Pascal ; Pascal a dû lire Bacon, un homme qui s'occupait de philosophie ne pouvait négliger ses œuvres, et si Pascal a lu Bacon, ces idées que l'auteur développe longuement, suivant son habitude, n'ont pu manquer de frapper l'écrivain des Pensées. En tout cas, si le fond est de Bacon, l'exposition et les inductions sont de Pascal, et suffisent pour légitimer sa prise. Une pensée appartient plus à celui qui la démontre et qui en développe les consé- quences qu'à celui qui l'a trouvée et l'a laissée stérile. La même question semble se présenter à propos de deux autres considérations de Pascal, l'une dans laquelle il pose « l'ordre essentiel de la métaphysique » qui est, dit-il, « de commencer par soi, par son auteur et par sa fin ; » la seconde, dans laquelle il constate que « la preuve de l'existence ne peut être fournie par le raisonnement, mais seulement par le sentiment que la nature nous en donne. » On voit en effet dans les méditations de Descartes ces deux pensées, mais on les voit sous la forme d'exemple et d'application, ce qui établit une différence essentielle. Descartes prouve bien l'existence de l'homme par le sentiment et non par le raisonnement ; il est reçu aujourd'hui que c'est là le véritable sens du cogito ergo sum, mais si la chose eût été claire on n'eût pas disputé si longtemps. Descartes également commence par l'homme, conti- nue par Dieu et termine, non par un traité de morale, mais du moins par l'indication, par la désignation de la morale. Mais ce n'est là qu'un fait et non une règle générale, ce n'est qu'une méthode particulière enfouie dans un livre particulier, et qu'on peut y laisser ou y prendre, qu'on peut même n'y pas découvrir, ce n'est point une règle universelle. Ces deux lois sont dans Descartes comme les lois physiques sont dans la nature ; ce qui n'empêche pas le genre humain de les chercher laborieusement depuis six mille ans, et les plus grands génies de se croire heureux quand ils en découvrent une ou deux. Ces deux lois du reste qui fournissent, l'une l'ordre de la philosophie, l'autre son fondement, sont les plus importantes