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3tO                          PÉLOPONÈSE.
 un horison rétréci et se renvoient l'une à l'autre de mornes
 échos. Tantôt la vallée s'élargit, et le lit du fleuve étend au loin son
sable fin et rouge, sur lequel se dessinent cà et là des touffes de
térébinthe et des troncs d'arbre déracinés ; tantôt elle se resserre
suivant les brusques détours du torrent. Le silence et la tris-
tesse régnent de toutes parts. A de rares intervalles , on entend
la voix d'un pâtre qui chante , étendu sur la crête d'un rocher :
 chanson, qui commence molle et languissante comme un sou-
pir, devient tout à coup vive et criarde comme un éclat de
joie, et se termine presque toujours par un cri aigu et pro-
longé , qu'on dirait être le sauvage appel de Clephtes qui se
rallient. A ces refrains étranges, entrecoupés par le son plaintif
de la clochette des troupeaux qui broutent, entre les pierres, des
herbes aromatiques, l'âme se réveille, la pensée se ranime et
 retourne aux temps éloignés où les eaux de l'Alphée s'étendaient
mollement sur un lit jonché de fleurs, aujourd'hui comblé par
des cailloux contre lesquels le pied des chevaux ee heurte péni-
blement. L'imagination évoque, sur les bords de cefleuvetari, de
douces et poétiques images , au souvenir de la tradition char-
mante que les anciens y avaient placée. Alphée , chasseur intré-
pide , s'était» épris de la nymphe Aréthuse qu'il avait un jour
rencontrée dans les bois, au lieu du cerf qu'il poursuivait. Celle-
ci, ne voulant point s'unir à lui, s'enfuit dans une île de la Mé-
diterranée, où elle fut changée en fontaine. Son amant se trans-
forma aussitôt en une onde limpide qui, en suivant sa pente
vers la mer, cherchait sans cesse à rejoindre la nymphe ingrate
qui avait refusé son amour. Chaque endroit de la Grèce est ainsi
consacré par un souvenir fabuleux ou par une page de l'his-
toire ; si les solitudes y sont grandes, si l'homme y rencontre
rarement son semblable, à chaque pas du moins des dieux ou
des héros surgissent et accompagnent l'esprit dans le désert.