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aucun Latin ne fut plus digne que lui d'être le fils, à laquelle
il avait déjà tant emprunté dans ses deux premiers ouvrages,
lui fournit des secours encore plus considérables pour la
composition de son dernier chef-d'Å“uvre. Qui peut pro-
noncer le nom de l'Enéide sans voir aussitôt se dresser de-
vant lui, l'ombre du vieil Homère, redemandant les dé-
pouilles qui lui ont été ravies? En chantant l'arrivée d'un
héros troyen sur les côtes de l'Italie, en faisant sortir l'épo-
pée romaine de l'épopée hellénique, Virgile n'a-t-il pas
reconnu que, comme sa patrie se rattachait aux traditions de
la Grèce, lui-môme n'était que leur imitateur et leur écho?
11 me semble que le sentiment original et profond qui avait
soutenu l'auteur des Bucoliques et des Géorgiques ne l'a-
bandonna point dans l'enfantement de l'Enéide; c'est lui, ce
sont les grandes idées de la politique de Rome et d'Auguste,
qui, en s'alliant, ont permis à Virgile de dépasser le cercle
de la poésie grecque et d'en égaler souvent les immortelles
 beautés.
   Le Tasse, qui était aussi grand philosophe que grand poète,
a dit que comme l'activité humaine se déploie dans l'étude
 du vrai et dans la pratique du bien, il doit nécessaire-
ment y avoir deux sortes tout-à-fait distinctes d'épopée,
l'une de contemplation, l'autre d'action, la première faisant
passer devant ses personnages le tableau des choses divines
ou humaines, la seconde les précipitant eux-mêmes au
milieu de la mêlée des événements. L'Odyssée appartient au
premier genre, l'Iliade au second. Virgile se proposa de
fondre ces deux formes en une seule; en effet, les six pre-
miers livres de l'Enéide sont composés à l'imitation de l'O-
dyssée; les six derniers à celle de l'Iliade. Cette division,
qui est fondamentale, nous servira, peut-être, à éclairer le
parallèle, si longtemps débattu, d'Homère et de Virgile.
   Si grand qu'on veuille faire l'intervalle de temps, qui se-