Sommaire :

    Le Fonds Lacassagne

    Extrait de la « Notice explicative » du Catalogue du Fonds Lacassagne, rédigé par Claudius Roux, en 1922.

    La collection de documents qui a été offerte le 28 février 1921, à la Bibliothèque de la Ville de Lyon, par M. le Professeur Jean-Alexandre-Eugène Lacassagne, et qui compte plus de 12.000 pièces (volumes, brochures, dossiers et manuscrits) [note]II importe de faire observer, à ce propos, que le Fonds Lacassagne a été amputé d'environ 1.500 à 2.000 ouvrages, la plupart très importants et très intéressants, qui ont été rendus au donateur comme étant déjà représentés dans le Fonds général de la Bibliothèque de la Ville, et qui par conséquent ne figurent pas dans le présent Catalogue., traduit et concrète fidèlement la pensée directrice de toute la carrière scientifique de son fondateur, à savoir : l'étude et la connaissance de l'Homme aux points de vue de l'Anthropologie normale et criminelle, de la Jurisprudence médicale, de la Psychologie normale et morbide, de la Pathologie médico-légale, de la Sociologie, de l'Hygiène et de la Statistique.

    Le personnel de la Bibliothèque municipale de Lyon, au Palais Saint-Jean, novembre 1929 (AM de Lyon, 3PH470, cliché J. Gastineau).

    Les trois hommes assis sont, de gauche à droite : Claudius Roux (bibliothécaire adjoint), Henry Joly (bibliothécaire) et Gabriel Magnien (bibliothécaire adjoint).

    Nul n'ignore en France et à l'étranger, que l'Ecole médico-légale et anthropologique lyonnaise, basée sur la méthode expérimentale et sur la philosophie positive, a brillé d'un magnifique éclat pendant les cinq septennats qui ont précédé le cataclysme de 1914. Ebauchée d'abord, de 1870 à 1880, par les médecins lyonnais Elisée Français, Horace Tavernier, Daniel Mollière, Henri Coutagne, par le Professeur Emile Gromier, premier titulaire de la chaire de Médecine légale (1877-1878) et par le Dr Etienne Clément, chargé des fonctions d'agrégé de Médecine légale (1879-1880), elle n'a pris tout son développement qu'à partir de 1880, sous la magistrale impulsion qu'a su lui donner, dès son arrivée à Lyon, le Professeur Alexandre Lacassagne et, depuis lors, elle a rayonné dans le monde entier par les oeuvres et les doctrines de son Chef et de ses Collaborateurs, par les 225 thèses de ses élèves, enfin par la diffusion des Archives d'Anthropologie criminelle, de Médecine légale et de Psychologie normale et pathologique (Lyon, Storck, puis A. Rey, éditeurs), publication dont les médecins, les juristes et les philosophes sont unanimes à regretter la cessation, survenue en 1915.

    Fort heureusement, M. le Professeur Etienne Martin, le distingué successeur du Professeur Lacassagne dans la chaire de Médecine légale de Lyon, a entrepris, depuis 1921, de concert avec M. le Professeur V. Balthazard, de Paris, la publication des Annales de Médecine légale, de Criminologie et de Police scientifique, qui remplacent, en quelque sorte les Archives d'Anthropologie criminelle, mais qui paraissent à Paris (J.-B. Baillière, éditeur).

    Table des matières du Catalogue manuscrit du Fonds Lacassagne, dressé et rédigé par Claudius Roux, 1918-1920 (Musée d'histoire de la Médecine et de la Pharmacie, Université Lyon I, 4484)

    A Lyon aussi [note] Lyon, soit dit en passant, est le lieu d'origine des Bertillon (Voir la Notice publiée par les Drs Lacassagne et Locard)., dès l'aurore du XXe siècle, une branche nouvelle de l'Anthropologie criminelle, la Police technique et scientifique, a poussé vigoureusement sur le tronc principal, et s'est développée parallèlement, grâce aux recherches sagaces et aux initiatives heureuses du Dr Edmond Locard qui, après avoir été l'un des meilleurs disciples du Professeur Lacassagne, est devenu à son tour un maître qui fait école. Inutile de dire que les ouvrages de M. le Dr Locard et de ses collègues se trouvent dans le Fonds Lacassagne.

    Ainsi, durant une quarantaine d'années, le Fonds Lacassagne s'est progressivement constitué et, grâce aux libéralités de son fondateur, n'a cessé de s'enrichir jusqu'à ce jour. Par l'abondance et la variété de sa documentation, ce Fonds restera, dans la Bibliothèque de Lyon -- comme l'est resté, pour un autre ordre d'idées, le Fonds Coste -- une source de renseignements précieux pour les psychologues, les sociologues, les juristes, les criminalistes, les historiens, les médecins, les anthropologistes, et, en général, pour quiconque s'intéresse à l'évolution physique, morale et sociale de l'humanité.

    A ce seul titre, et toute question personnelle mise à part, la publication du Catalogue du Fonds Lacassagne était indispensable, et il faut louer M. le Maire et le Conseil Municipal de Lyon d'avoir, par le vote d'une importante subvention, permis de fournir au public, aussi bien qu'aux spécialistes, le moyen pratique de connaître et d'utiliser, même en dehors de Lyon, cette riche source de documentation.

    Couverture du Catalogue du Fonds Lacassagne, par Claudius Roux Lyon, Impr. nouvelle lyonnaise, 1922, 22 p. (BM Lyon, 141945).

    Une Bibliothèque moderne est mieux encore qu'un Musée de livres ; c'est un véritable restaurant où le Cerveau s'alimente. Et, de même que, dans un bon restaurant, on trouve le mets du jour et le plat de résistance, de même dans la Bibliothèque municipale de Lyon, largement ouverte à tous, et où tous les travailleurs intellectuels viennent, de plus en plus nombreux, se ravitailler librement, le Fonds Lacassagne représente, on peut le dire, le mets du jour et l'un des plats de résistance.

    Son donateur a donc fait une oeuvre éminemment utile, non moins que désintéressée. Il est à souhaiter que pareil exemple suscite des imitateurs qui, mettant ainsi leurs efforts individuels au service de la collectivité, donneront en même temps une forme tangible et pratique à ces trois vertus civiques si intimement unies qu'elles n'en font qu'une : la solidarité, l'altruisme et la philanthropie.