Le fonds du paradoxe
Qu'une guerre fut à l'origine d'un enrichissement du patrimoine écrit n'est en soit pas banal. Car, au-delà des vies arrachées et sacrifiées, des chairs mutilées et meurtries, des générations massacrées et anéanties, l'on sait combien les tablettes d'argile, les papyrus, les manuscrits, livres et écrits divers, gravures et journaux mêlés, subirent d'autodafés dans la longue liste des guerres, génocides et autres conflits armés qui ont entaché nos civilisations depuis l'Antiquité.
Le patrimoine culturel, comme la mémoire collective, y laissa bien des plumes...
A travers maintes péripéties dramatiques survenues tout au long de son histoire, Lyon, elle aussi, paya son tribut à ce lourd anti-palmarès. Mais, paradoxalement, c'est dans la ville berceau de l'imprimerie qu'un conflit, qualifié pour la première de « mondial », initia la naissance d'un nouveau fonds, d'un nouveau germe de patrimoine, d'une nouvelle parcelle de mémoire, avec ce qu'il est convenu d'appeler « Le fonds de la Guerre ». De 1915 jusqu'à 1921, sous l'impulsion d'un maire universitaire, Edouard Herriot, la Bibliothèque engrangea journaux, livres, pamphlets, affiches et jusqu'à des bandes dessinées émanant de tous les belligérants du conflit en cours, ainsi que de certains pays neutres.
Des dons, des acquisitions, des échanges... mais aussi la censure postale, alimentèrent cette collection pas vraiment comme les autres et sans doute unique au monde. Un arrêt sur image étonnant, le reflet d'une production littéraire où triomphe la persuasion, la propagande et ce qu'il faut bien appeler le bourrage de crâne.
Plus qu'une collection, il y a là une mine dans laquelle, près d'un siècle plus tard, devraient puiser les chercheurs, pour nous en ramener la substantifique moelle.