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308 CHRONIQUE THEATRALE et surtout de rendre avec un si parfait sentiment dramatique et autant de fierté et de noblesse la scène finale du 3 e acte: —Sire, je vous dois tout, et de lancer enfin plus énergique- ment l'imprécation. Mais c'est dans les Huguenots que M. Tournié devait se révéler comme étant dans la plénitude de son talent. Là , le rôle est écrasant, mais il le supporte tout entier. Point de faiblesse, pas de tour de passe-passe. Les difficultés, il ne les élude pas, il les aborde en face et les résout. Comme Raoul de Nangis, il a confiance en son talent, en son courage, et dans cette magnifique création du maître, avec laquelle il s'identifie, on peut dire qu'il met toute son âme, toute sa vie, et cet entrain à lui naturel, qui, dans la cir- constance, est un surcroît de force. Le comédien, est-il né- cessaire de le dire, est au niveau du chanteur, ayant la faculté de tout saisir, de comprendre, de sentir ce qu'il chante, de colorer et de nuancer sa voix suivant les si- tuations, et néanmoins se possédant en plein dans l'enthou- siasme et sachant rester musicien dans le délire du mouve- ment dramatique. Aussi, ne chercherons-nous point à indi- quer toutes les qualités qu'il a déployées dans le personnage de Raoul. Il faudrait pour cela suivre pas à pas le rôle et sou- ligner chaque phrase. Disons seulement que, dans le 4 e acte, M. Tournié a atteint un idéal de perfection qui consacre d'une manière définitive son beau talent, et nous a fait en- trevoir, à nous, dans la partition du maître, des beautés qui nous étaient jusqu'alors inconnues. Dans le récitatif, cet écueil des médiocrités, comme nous le faisait remarquer si bien un critique d'art, M. Raymond, il rappelle Tamberlick ; mais il lui est supérieur. Pour sa manière de phraser, il procède évidemment de Roger, dont il a peut-être été l'élève. Sa voix, sans être d'une grande puissance, a une étendue considérable. Fraîche, pure, souple