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                  CHRONIQUE THÉÂTRALE                   307
thousiasme, au sortir du bain, conjuguait au passé défini
et dont on a tant abusé depuis, M. Marck a pu mettre enfin
la main sur ce rara avis, que Paris cherche, que l'Europe
attend et que notre ville possède aujourd'hui.
    C'est M. Tournié, qui nous vient de Bruxelles, — un de
ces chanteurs comme il y en a peu, un de ces ténors comme
il n'y en a point.— Cet artiste a débuté dans Roherî-U-DiabU;
(tel était son désir que la direction s'est empressée d'exau-
cer). C'était prendre le taureau par les cornes, et cette
épreuve redoutable a laquelle l'illustre Roger qui vient de
mourir n'a jamais osé se soumettre et que Duprez n'abor-
dait qu'en tremblant, s'est changée pour lui en un véritable
triomphe. On ne saurait mieux se jouer des difficultés et
passer par les casse-cous de ce rôle avec plus de bonheur
et plus d'habileté. Le 5me acte a été pour nous une véritable
révélation.Les œuvres de Meyerbeer, comme nous le disions
plus haut, sont pleines de surprises, et M. Tournié, avec son
admirable talent, s'est chargé de nous en ménager une dans
le trio de la fin si mal chanté d'habitude, et que le public ne
se donnait plus, depuis nombre d'années, la peine d'en-
tendre. Il a parfaitement fait valoir, durant tout le cours du
drame, cette sombre et sauvage figure de Normand que
Raimbault, dans la ballade (une fleur?) avec sa naïveté de
paysan, représente si cruel, si dur et comme portant au
front une marque terrible — celle du diable ! Il a chanté la
Sicilienne du 2me acte avec un art infini et surtout, ce qui
 est à noter, les fameux — Chevaliers de ma pairie — sans
pousser aucun cri—ce qui ne s'était jamais vu, nous disait-
 on, depuis Nourrit.
   Dans la Favorite, M. Tournié a montré comment, — et
avec quelle grâce et quelle douceur — un fort ténor peut
tirer parti de la voix mixte. La sienne est exquise. Impossi-
ble de mieux détailler la romance du Ier acte et celle du 4%