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SALON.DE. 1883 —.SCULPTURE 529 s'est, par la suite, affranchie de cette tutelle. Et il n'est pas à souhaiter qu'elle se souvienne trop souvent de ses. origines. Une entreprise comme celle de M. Dalou a ses dangers. Ce qui ajoute à sa difficulté, c'est qu'il faut se garder d'empiéter sur le. domaine delà peinture, et éviter avec soin de demander à la pierre d'ex-: primer ce que la couleur seule peut rendre. On. connaît l'exemple fameux qu'a donné le Puget d'une pareille méprise dans son Entrevue d'Alexandre et de Diogène, œuvre si.remarquablfr à tant d'égards, mais à laquelle il manque une chose essentielle, .la seule, hélas ! qui lui donnerait un sens, et l'une de celles qu'un sculpteur, quel que soit son talent, n'exprimera jamais ; je parle.de ce rayon de lumière et de chaleur que le prince et son escorte in- terceptent momentanément par leur présence, et en l'absence du- quel on ne peut ni justifier le geste du philosophe, ni comprendre sa prière : « Ote-toi de mon soleil. » M. Dalou, qui, lui aussi, se livre à des travaux qui ont le tort d'appartenir à la peinture par la composition en même temps qu'à la sculpture par la substance et par l'exécution, n'aurait-il pas cer- tains reproches à se faire, dans son allégorie à ,la République uni- verselle? Il me semble que les figures de libertés et d'amours qui, du haut des nues, jettent des rameaux et desfleurs sur la tête des hommes réconciliés, sont, sans le secours des ailes que l'art et l'imagination prêtent ordinairement aux créatures dont ils peuplent le ciel, d'une pesanteur menaçante pour le groupe d'hommes, de femmes et d'enfants, qu'une affectueuse étreinte réunit fraternelle- ment au-dessous d'elles. Il serait pourtant dommage de gâter un si beau jour. En peinture, le défaut que je signale choquerait moins. La couleur pourrait donner aux nuées qui séparent les deux groupes une consistance rassurante, que la blancheur monotone du plâtre est impuissante à produire. Je crains qu'il n'y ait là une faute. Est-ce la seule?... Mais laissons ce morceau, remarquable à coup sûr, ne fût-ce que par le simple mérite d'une exécution extraordinairement déliée, et arrivons à l'autre bas-relief de M. Dalou. Ici nous avons affaire à un véritable tableau. Encore une fois, il ne faut pas louer outre mesure des tentatives de ce genre, qui naissent toujours d'une regrettable confusion des diverses branches