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LE CONGO 437
M. de Brazza invoqua alors l'autorité du Makoko, dont les Oubaudji
sont tributaires, et réussit à réunir un palabre où se rendirent
quarante chefs dont ce roi était le suzerain. L'un d'eux s'avança
vers l'explorateur avec fierté, et lui dit en lui montrant un îlot
voisin, où Stanley avait autrefois livré un combat : « Regarde cet
îlot. Il semble placé là pour nous mettre en garde contre les pro-
messes des blancs, car il nous rappellera toujours qu'ici le sang
oubaudji a été versé par le premier blanc que nous avons vu. Un
des siens, qui l'a abandonné, te donnera à Ntamo le nombre de
ses morts et de ses blessés. Maintenant je te dirai que nos ennemis
ont pu échapper à notre vengeance, en descendant le fleuve comme
le vent, mais qu'ils essayent de remonter!... » Il fallut recourir
aux ressources de la diplomatie la plus habile pour faire entendre
aux noirs que nous n'étions pour rien dans ces engagements, et
que notre seul désir était de nouer des relations commerciales avec
les populations du Congo.
Enfin la paix fut conclue, et l'on enterra la guerre. On pratiqua
un grand trou dans l'îlot dont il a été question ; puis les chefs dé-
posèrent dans ce trou, l'un une balle, l'autre une^pierre à feu, un
autre une flèche, un autre de la poudre : les Français y jetèrent
aussi des cartouches, et l'on y planta enfin le tronc d'un arbre qui
repousse très rapidement. Quand la terre eut été rejetée sur le
tout, l'un des chefs prononça ces paroles : « Nous enterrons la
guerre si profondément que ni nous ni nos enfants ne pourrons la
déterrer, et l'arbre qui poussera ici témoignera de l'alliance entre
les blancs et les noirs. •— Et nous aussi, répondit M. deBrazza,
nous enterrons la guerre : puisse la paix durer aussi longtemps
que cet arbre ne produira ni balles, ni poudre, ni cartouches. »
Il remit ensuite un drapeau à l'un des chefs : tous les autres
princes indigènes voulurent avoir un pavillon qu'ils frottèrent
contre le premier, et bientôt toute la flottille fut pavoisée des
couleurs françaises.
M. de Brazza se dirigea ensuite vers Ntamo, où il avait résolu
d'établir une station française. Ntamo est un village situé sur la
rive droite du Congo, presque immédiatement au-dessus des pre-
miers rapides qui descendent jusqu'Ã Manyanga. Par sa position,
U est la clef du Congo intérieur; et, tant que les communications