Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                                   — 224 —

      Suivons par la pensée l'existence de ces religieuses, séparées du monde,
et qui cependant ont sous leurs yeux le panorama incomparable d'une
grande cité, remplie par l'activité du négoce. Leurs cellules, rangées sur
deux étages autour d'une petite cour entourée d'un cloître, peuvent juste
contenir un lit et une table. Tout leur luxe est dans la chapelle, qu'elles
ornent de tableaux de maîtres, comme la Visitation de Jacques Stella, de
boiseries, d'une tribune et qu'elles agrandissent, afin d'y admettre le public
les jours de cérémonie.
      Des dépendances et un grand jardin permettent la promenade beau-
coup mieux que dans la maison-mère de la rue Sainte-Hélène. Placées entre
l'oratoire de Fourvière, déjà célèbre, et la vieille basilique de Saint-Jean, les
Filles de Sainte-Marie de l'Antiquaille, c'est ainsi qu'elles se nommaient,
entourées d'autre part des Bénédictines des Chazeaux, et des Frères Mini-
mes, vivaient dans une atmosphère de calme recueillement, bien au-dessus
des agitations mondaines de la ville. Cette quiétude n'était troublée que par
les visites des princes et des hauts dignitaires de l'Eglise, dont aucun ne
s'arrêtait à Lyon sans faire la connaissance de ces lieux, célèbres par leurs
 souvenirs religieux et historiques.

                                       s

     Mais nous arrivons à l'époque révolutionnaire qui va changer encore
une fois la destination de l'Antiquaille. Une loi édictée en 1792 dépouille de
leurs biens toutes les communautés religieuses au profit de l'Etat. Quel-
ques-unes des dames de la Visitation ont déjà été envoyées en Italie, les
autres pensaient pouvoir passer inaperçues pendant la tourmente, quand
un ordre leur enjoint de s'enfuir précipitamment.
     La vaste demeure est mise en adjudication le 22 pluviôse an IL Elle
devient d'abord la propriété d'un sieur Picot, puis plus tard est transmise
aux sieurs Détours, Mey et Noilly. Tout l'intérieur est alors pillé et saccagé,
les objets d'art, les antiquités, les meubles précieux de la chapelle sont
vendus à vil prix, de telle sorte que lorsque, en 1804, la ville est tenue de
transférer à l'Antiquaille les vieillards et les mendiants de l'hospice de la
Quarantaine, il ne restait plus que des murs.