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                 UN1 VIEUX DE TRENTE ANS                   8l

avait facilement trouvé de l'ouvrage dans Tune des nom-
breuses usines de la ville.
   Dans la soirée d'un jour du mois de janvier 1870, il
avait rencontré, à Lyon même, dans la famille d'un compa-
triote, une Alsacienne, petite et gracieuse blonde qui
répondait au prénom de Louise, de quelques années plus
jeune que lui, née à Schiltigheim, ville située tout près de
celle où était né Henri Muller. Elle était entrée, à Stras-
bourg, au service de L famille d'un chef de bataillon, que
                       a
le changement de garnison avait amené à Lyon et qu'elle
avait suivi.
    Quelques semaines après cette rencontre, le mariage
unissait l'ancien soldat Henri Muller et la jeune servante
Louise, et leur union s'écoulait tranquille et douce, lorsque
la déclaration de guerre, entre la France et la Prusse, éclata
comme un coup de foudre.
    D'abord, indifférent au départ de nos régiments pour la
frontière, l'ancien militaire devint sombre et nerveux à
l'annonce des premiers revers essuyés par nos armes ; puis,
lorsqu'il apprit que les Allemands avaient envahi l'Alsace,
qu'ils occupaient son village natal, lorsqu'il vit sa femme se
lamenter au reçu d'une lettre de Schiltigheim lui apprenant
que la petite ferme de son vieux père avait été saccagée et
la maison incendiée, il n'y put plus tenir et manifesta
l'intention de reprendre du service pour la durée de la
guerre. Sa jeune compagne n'émit aucune objection à son
désir, au contraire, faisant passer son amour de la patrie
avant son affection d'épouse, la vaillante et patriote. Alsa-
cienne encouragea son mari à partir pour la frontière avec
ses anciens compagnons d'armes et, pour subvenir à ses
besoins pendant l'absence de son époux, elle monta avec
leurs modestes économies, un petit magasin d'épicerie dans
le quartier qu'ils habitaient, rue Saint-Georges.