Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
138                       PERICAUD

secrètes du bien-être matériel ; nous sommes devenus
indifférents aux jouissances de l'esprit, et trop souvent à
celles du cœur ; il y a cinquante ans il n'en était pas ainsi ;
et il faut voir avec quelle joie naïve, avec quelle sincérité
d'émotion était'accueilli alors le moindre succès, le plus
léger triomphe littéraire. Par exemple , Aman ton est
nommé, sur la présentation de Pericaud et de Breghot,
correspondant de l'Académie de Lyon, et ce dernier le lui
annonce dans des termes tels qu'on croirait qu'il s'agit
pour son ami de la conquête d'un royaume. « Vous avez
été nommé, lui écrit-il, — ce qui est très-remarquable
parmi nous, — à l'unanimité des suffrages !'» Puis, pour
faire mieux ressortir encore le mérite de l'élection, il lui
dit que M. de Brosses, alors préfet à Lyon, qui avait été
nommé aussi associé honoraire de la même Académie,
n'avait pas obtenu, comme Amanton, l'unanimité des voix.
« Il s'en est fallu de six ou sept, dit-il, et un bulletin qui,
comme de raison, ne lui a pas été compté, portait : Feu le
président de Brosses. N'est-ce pas une bonne épigramme? »
   N'est-ce pas, dirons-nous à notre tour, un spectacle
plein d'innocence et qui a lieu d'étonner, que cette joie
presque enfantine de la part d'hommes sérieux, pour
un modeste titre de correspondant d'une académie de
province ?
   Au surplus, voici un travail qui va les relever dans l'es-
prit des personnes difficiles, une occupation qui semblera
digne de la sollicitude et de la sagacité de nos érudits.
Cette fois, c'est Breghot du Lut qui prend l'initiative ;
c'est lui qui provoque à la lutte, non-seulement Amanton,
mais tous ses studieux amis ; car la moindre question sou-
levée, le plus léger doute émis en matière de bibliogra-
phie, de philologie ou de linguistique, s'adressait aussi
bien à Peignot, à Charles Weiss, à Chardon de la Ro-