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                   RÉPONSE A M. L'ABBÊ ROUX.                      235

au premier siècle de notre ère. C'est ainsi que de nos jours nous
retrouvons encore dans les dénominations géographiques de
vieux mots français complètement modifiés aujourd'hui dans le
langage ordinaire. Nous disons, par exemple, Castel-Sarrasin et
Castel-Jaloux, et non pas Château-Sarrasin, Château-Jaloux. Dans
notre pays même, n'avons-nous pas une foule de Châtel, sans
parler de Saint-Bonnet-le-Châtel, devenu depuis peu Saint-Bonnet-
le-Château, et Marcilly-le-Châtel, devenu Marcilly-le-Pavé ?
   J'ai cité à l'appui de mon opinion le géographe Ptolérnée, qui,
au deuxième siècle de notre ère, donne à Feurs, en grec, le nom
de Foros (correspondant au latin Forus), et non celui de Foron,
qu'il aurait dû employer si Feurs s'était appelé de son temps
Forum. A cela M. Roux réplique : « Est-ce que, par exemple, les
 « Grecs étaient forcés, de par la grammaire, à donner aux noms
« qu'ils empruntaient au latin la même désinence de genre que
« ceux-ci avaient dans la langue-mère ? » Je réponds avec tous
les philologues : Oui, quand, comme dans le cas actuel, le mot
employé par l'auteur grec n'a pas de sens dans sa langue.
   M. Roux conteste aussi l'exemple que j'ai tiré du latin.
Suivant lui, le mot Forus ne veut pas dire ville dans le vers de
Lucilius, mais gradin de l'amphithéâtre. Toutefois, il ne parait
pas très-sûr de sa traduction, car il ajoute aussitôt : « M. Bernard
« ne voit-il pas que Forus est une licence poétique qui permet
« d'avoir le dactyle que refusait le mot Forum. » Je ne lui lais-
serai pas même cette échappatoire. M. l'abbé Roux paraît aussi
peu familier avec les principes de la prosodie latine qu'avec les
usages de la vie civile. Cela provient sans doute de ce que,
comme quelques-uns de ses confrères, il professe un profond
mépris pour les grands écrivains, tant poètes que prosateurs, de
l'antiquité grecque et latine. Lucilius n'avait nul besoin de chan-
ger Forum en Forus pour obtenir une brève. Il est élémentaire
dans la poésie latine que toutes les fois que la finale em ou uni n'est
pas élidée devant une voyelle, elle s'abrège comme la finale us,
et de nombreux exemples pourraient être cités. Horace a dit ;

                  Cocto num adest, honor idem ?
et Ovide :
                  More lupi clausas circum euntis oves,